Au cours de la campagne présidentielle, il nous a été reproché par certains d’être trop à gauche, par d’autres d’être trop à droite ; certains nous ont fait grief de trop parler, d’autres de nous être trop tus. La ligne politique qui fait la spécificité et l’honneur de la Licra, et qui consiste à être au cœur des enjeux républicains sans jamais entrer dans les polémiques politiciennes, n’est pas simple à tenir. Et le contexte comme le déroulement de la dernière campagne n’ont rien simplifié.
Rappelons que, conscients des enjeux, nous sommes entrés « en campagne » dès le début de l’année 2011, avec l’élaboration de nos « 50 Propositions pour une France plus fraternelle », rendues publiques, après un an de travail, au mois de février 2012. Tous les observateurs ont salué ce travail qui constituait une première. Les principaux candidats, de gauche, de droite et du centre, nous ont reçus et ont répondu en toute transparence à nos questions, marquant ainsi l’attachement et le respect qu’ils portent à la Licra. Certains auraient voulu que nous allions plus loin et que nous rencontrions la présidente du Front national. C’eût été lui délivrer le certificat d’honorabilité qu’elle recherchait. Imaginez les titres : « La Licra rencontre Marine Le Pen. » Autrement dit « la digue est tombée », « le cordon sanitaire a cédé », « même la Licra considère que le Front national est devenu un parti fréquentable ». Eh bien non, le Front national n’est pas devenu un parti fréquentable. Sa présidence a changé, sa façade a été ravalée, mais le fond demeure le même. C’est ce que nous avons voulu montrer dans un numéro spécial du « Droit de Vivre » et dans le clip « Dans la salle de bain de Marine Le Pen », vu à ce jour par plus de 500 000 internautes. Les Français qui refusent de le voir sont comme le capitaine du Titanic qui n’a vu que la face émergée de l’iceberg.
Le rôle de la Licra est d’éviter le naufrage. A l’heure où il est de bon ton de banaliser le vote FN, il nous appartient de rappeler inlassablement ce que cache sa face immergée: le racisme, l’antisémitisme, le négationisme, qui y sont toujours présents et qui constituent plus que jamais la base de son électorat. La crise a égaré nombre de nos concitoyens. Disons-le sans fard, le score de Marine Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle est aussi notre échec. Passé le temps de l’effroi et la tentation du découragement, nous devons réagir de plus belle. Si nous ne le faisons pas, nous, les héritiers de Bernard Lecache et de Jean-Pierre Bloch, qui le fera ? Non, nous ne devions pas rencontrer Marine Le Pen. On ne discute pas avec le Front national, on le combat.
Oui, nous devions consacrer un numéro de notre journal à décortiquer son programme pour en démontrer la dangerosité pour les valeurs de la République. A ceux qui nous reprochent d’avoir dérogé à la neutralité politique de la Licra en période électorale, je réponds que cette neutralité s’applique au périmètre républicain auquel le Front national n’appartient pas, pour les raisons que j’ai exposées dans l’éditorial publié dans notre dernier numéro.
C’est en revanche au nom de cette neutralité que j’ai refusé que la Licra interfère dans la campagne du second tour, comme j’y ai été invité. Certains propos et prises de position auraient justifié que nous sortions de notre réserve. Je ne l’ai pas voulu car cela aurait nécessairement été interprété. Président de la Licra, je suis comptable de son indépendance et de son unité. La diversité de nos militants et sympathisants est notre richesse. J’ai entendu ceux d’entre nous, proches de l’actuelle majorité parlementaire, déplorer l’absence d’un représentant du Président sortant à la réunion publique que nous avons organisée à l’occasion de notre convention de Nîmes, au cours de laquelle nous avons présenté le film réalisé par Serge Moati.
Cette absence, que nous avons tous regrettée, était le choix du candidat, pas le nôtre. Je veux ici redire avec fermeté et solennité que la Licra n’est ni de droite, ni de gauche, parce que ses membres sont de droite, de gauche et du centre. Nous serons, ensemble, présents dans la campagne des législatives, pour veiller au respect des valeurs de la République issues de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Sans esprit partisan. Notre seul parti est celui de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Il suffit à notre combat. |