Parlons vrai

Facebooktwittergoogle_plusredditpinterestlinkedinmail

La réaction de l’humanité a été à la hauteur du coup qui lui a été porté. Le monde entier a chanté la Marseillaise et pavoisé ses lieux symboliques du drapeau tricolore.

Chez nous, les citoyens, les artistes, les internautes, ont fait assaut d’imagination pour marquer leur colère, leur rage et leur détermination à ne rien céder devant les barbares. Nous, militants de la Fraternité, tout en étant à l’unisson de nos concitoyens, sommes restés silencieux. Nous savons que dans ces moments d’unité nationale, notre parole est inutile et inaudible. Face à la dimension de l’horreur et à l’embrasement qui en est résulté, le peuple de France, dans sa richesse et sa diversité, s’est emparé du flambeau de l’indignation et de la révolte. Quand l’incendie sera éteint, quand la vie aura repris son cours, que les victimes exterminées le 13 novembre auront rejoint dans le cimetière de la mémoire collective celles des 7 et 8 janvier et tant d’autres aujourd’hui oubliées, il nous appartiendra de ramasser le flambeau encore chaud et d’entretenir la flamme chancelante de la victime inconnue… jusqu’à la prochaine fois.

Tel est notre rôle, tel est notre destin, depuis près d’un siècle. Il n’y a nulle amertume dans ce constat, mais un peu de lassitude et beaucoup de tristesse. La belle unanimité à laquelle nous avons assisté, laisse en effet, pour les observateurs avertis que nous sommes, un gout un peu amer.

Parlons vrai. Qu’est ce qui a le plus touché nos concitoyens dans le drame que nous venons de vivre ? Le fait que chacun de nous aurait pu en être victime et se sent donc directement concerné. Qui ne va dans un stade, à la terrasse d’un café, ou tout simplement dans la rue ? Qui n’aime pas la musique, manger au restaurant ou boire un verre entre amis ? Mais quelle différence y a-t-il entre ces victimes et celles de Merah en 2012 et de Kouachi et Coulibaly il y a 10 mois à peine ? Les unes, seraient-elles plus victimes que les autres ? Y aurait-il des morts qui seraient plus injustes que d’autres ? Allez, lâchons le mot puisqu’il a été employé à satiété sans apparemment choqué grand monde, y auraient-ils des victimes innocentes et d’autres qui le seraient moins ?

Il existe certes une « nouveauté » dans le drame du 13 nombre : au-delà du nombre de victimes, qui glace le sang, les assassins ne les ont pas « sélectionnées » en fonction de leur origine ou religion réelle ou supposée. C’est ce qui a conduit les commentateurs à relever que les victimes ont été choisies non pour ce qu’elles ont fait, mais pour ce qu’elles étaient (ce qui est, soulignons-le, l’une des caractéristiques du crime contre l’humanité). Admettons que cela vaille pour les journalistes de Charlie, encore que le seul fait d’en émettre l’idée me révulse. Mais les enfants abattus par Merah et les clients de l’hyper cacher de Vincennes, de quoi étaient-ils coupables ? D’être juifs ? Cela les priverait t’ils de la présomption d’innocence ? Et puisqu’on parle vrai, y aurait-t-il eu 4 millions de Français dans la rue le 11 janvier avec un cortège des chefs d’Etat en tête, si le massacre de l’hyper cacher n’avait pas été précédé par celui de Charlie Hebdo ?

La réaction est humaine me dit-on, on ne se mobilise que quand on est concerné et l’immense majorité des Français ne mettent pas leurs enfants dans une école juive et ne fréquentent pas les magasins cachers. Il aura donc fallu un carnage et 130 victimes innocentes pour que chacun se sente enfin concerné et réalise que c’est la même haine et la même hystérie meurtrière qui ont frappé à Toulouse en 2012 et à deux reprises à Paris en 2015. La même haine et la même hystérie meurtrière confinant, je reprends le terme à dessein, en une véritable volonté d’extermination, au nom d’une foi dévoyée et d’un prophète instrumentalisé.

On ne dira jamais assez qu’aucune caricature, aucun « vice » et aucune luxure ne fera jamais autant de mal au Prophète et à ses croyants que ces salauds endoctrinés et assoiffés de sang. Arrêtons une bonne fois pour toute de leur chercher des excuses, ils n’en n’ont aucune. Aucune misère, aucune injustice, aucune discrimination, pour réelles qu’elles soient, ne justifie d’ôter la vie à quiconque, a fortiori au nom d’un Dieu qui n’en peut mais. Leur volonté est de semer la zizanie en même temps que la peur au sein de notre société. Je frémis à l’idée qu’ils puissent y parvenir et certaines prises de parole d’irresponsables politiques au cours de ces derniers jours n’incitent guère à l’optimisme.

Ce n’est pas en jetant l’opprobre sur une religion au nom d’une prétendue et absurde responsabilité collective qu’on réglera le problème, au contraire. Autant il est indispensable de lutter sans merci contre tous les tenants de cet islam radical qui gangrène certains de nos quartiers (et pas seulement), en ayant recours, s’il le faut, aux mesures les plus coercitives, autant il est urgent de tendre la main à nos concitoyens de confession musulmane pour leur signifier qu’ils font définitivement partie de la communauté nationale. C’est avec eux et pas contre eux qu’on éradiquera le mal. Il ne s’agit pas de les sommer de prendre parti ou de se justifier de quoi que soit.

Mais il leur appartient, oui, de signifier clairement, que leur foi, que la laïcité protège, n’a rien à voir avec ceux qui prônent le djihad et qui sèment la mort au nom d’une idéologie raciste et antisémite. Les musulmans de France sont victimes de l’islamisme radical et doivent donc prendre toute leur place dans le combat implacable que nous devons mener pour l’éradiquer. Nous serons pour cela à leurs côtés, unis dans la foi qui nous est commune, celle dans l’espérance les valeurs de la République que sont la liberté, l’égalité et surtout, oui surtout, la fraternité. Montrons dans la belle et puissante union du peuple de France qui se manifeste depuis le 13 novembre que nous sommes, tous ensemble, déterminés à refuser tous les extrémismes et leur cortège de haine et de rejet de l’autre. L’occasion nous en sera donnée dès le mois prochain. Après ce que nous avons tous vécu, il ne peut, il ne doit, plus y avoir de place pour l’abstention. Pour reprendre notre destin en main, usons de l’arme des démocrates qu’est le bulletin de vote et faisons-en bon usage. Au-delà et s’il le faut contre les calculs politiciens et les logiques d’appareils, unissons-nous dans un vaste et salvateur front de défense républicaine, pour dire non à l’obscurantisme et ne pas donner raison aux salauds. Nous devons cela au moins aux victimes, à, toutes les victimes.

 

24.11.2015

Facebooktwittergoogle_plusredditpinterestlinkedinmail

Laisser un commentaire