Mémoire d’un crime

Facebooktwittergoogle_plusredditpinterestlinkedinmail

24 avril 1915 à 20 heures. Le ministre de l’intérieur Turc Talaat Pacha donne l’ordre d’arrêter plus de 250 intellectuels arméniens, marquant ainsi le début du premier génocide du XXème siècle. 6 avril 1944 au matin. Klaus Barbie envoie ses hommes à la colonie d’Izieu dans l’Ain arrêter les 44 enfants juifs, âgés de 4 à 16 ans, ainsi que leurs 7 éducateurs pour les envoyer à la mort dans les camps d’extermination. Dans la nuit du 6 au 7 avril 1994. Au Rwanda, la Radio Mille Collines appelle en langage codé les Hutus à « abattre les grands arbres » : c’est le signal annonciateur du génocide des Tutsis. 14 juillet 1995. A Srebrenica en Bosnie-Herzegovine, les troupes du général Mladic, procèdent aux premières exécutions des 8000 musulmans qu’ils extermineront, en quelques jours, au nom de la politique de « purification ethnique » voulue par Radovan Karadzic.

Ces crimes sont historiquement et géographiquement éloignés les uns des autres. Les contextes étaient assurément différents et la singularité de chacun d’eux est un fait. Pourtant, tous ces crimes ont la même nature. Ils ne sont en réalité qu’un seul et même crime : le crime contre l’Humanité, contre l’Humanité tout entière. A chaque fois, la même volonté, établie selon un plan concerté, d’exterminer l’Homme pour ce qu’il est. A chaque fois, la même signature de haine. A chaque fois, la volonté de faire disparaître jusqu’au crime lui-même. A chaque fois, la même souillure négationniste.

Les commémorations qui vont ponctuer ce mois d’avril sont particulièrement importantes dans la période que nous traversons. Comme l’écrivait Victor Hugo, « quand la nuit essaie de revenir, il faut allumer les grandes dates, comme on allume des flambeaux ».

Commémorer, c’est honorer les victimes. La mort, qui plus est dans de telles circonstances, appelle le silence, le recueillement et la communion des vivants. Mais commémorer c’est aussi transmettre. Lors de la commémoration de la rafle des enfants d’Izieu l’an dernier, une classe d’un collège de Vaulx-en-Velin est venue témoigner ce qu’elle avait compris du crime commis sur ordre de Barbie. Pendant plusieurs mois, leurs enseignants leur ont fait réaliser que les enfants exterminés étaient leurs semblables, qu’ils étaient bien leurs frères, chassant de leurs têtes l’antisémitisme ordinaire qui fait tant de mal dans certains quartiers. Commémorer, enfin, c’est partager. On parle souvent de concurrence des mémoires. Il suffit de voir les jeunes arméniensles jeunes rwandais et les jeunes juifs ensemble, à chaque commémoration, pour comprendre ce que le mot fraternité veut dire. Et ne pas désespérer de l’humanité…

Facebooktwittergoogle_plusredditpinterestlinkedinmail

Laisser un commentaire