50 nuances de (vert-de) gris

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C’est le printemps et même l’extrême-droite bourgeonne. Il suffit de regarder les variétés de gerbes déposées le week-end dernier aux pieds de Jeanne d’Arc pour s’en rendre compte. Il y en a pour tous les goûts et plus que jamais, toutes les nuances de haine sont exposées au regard des Français jusqu’à la nausée.

Il y a évidemment la nuance vert-de-gris, canal hystérique, celle des durs, des vrais, des crânes rasés. Il s’agit là de la frange la plus caricaturale qui n’en finit pas de pleurer le Maréchal et d’exécrer les Lumières, la Révolution, la République, le Front Populaire, les droits de l’Homme, les juifs, les arabes, les francs-maçons, les homosexuels, le droit à l’avortement et Vatican 2. Ses partisans attrapent des ampoules à force d’applaudir ses idoles négationnistes. Cette frange, qui a toujours existé, est heureusement minoritaire. Pourtant son discours identitaire et son exaltation du passage à l’acte lui permettent de recruter chez les jeunes et de sortir de la cage où l’Histoire l’avait pourtant reléguée. Longtemps clandestine, elle aime désormais se montrer et faire parler d’elle à coup de provocations sur les réseaux sociaux qui lui assurent son heure de célébrité médiatique.

Il y a aussi la nuance bleu-brun. Après quelques années de purgatoire politique, c’est elle qui a décidé, au milieu des années soixante-dix, de revenir sur le terrain électoral et de taquiner le suffrage universel, elle qui le méprise tant. Depuis quelques années, elle roule en voiture à cocarde et barbote dans le nationalisme à but très lucratif. A l’origine petite entreprise familiale, elle est parvenue à tutoyer les seconds tours et à violer, de temps en temps, le scrutin uninominal. Elle a commencé à prendre des villes, des circonscriptions et il s’en est fallu de peu pour que le drapeau brun flotte sur certaines Régions. Pourtant, au fond d’elle même, cette tendance là n’a jamais eu pour objectif l’exercice du pouvoir au niveau national, confortablement installée qu’elle était dans son business de la peur et son rôle d’arbitre et de contempteur de la République.

Evidemment, cette nuance bleu-brun trouve ses amis vert-de-gris sympathiques et patriotes. On s’échange épisodiquement un clin d’œil complice. On s’apprécie, on se fréquente, on se respecte mais on évite de s’embrasser en public. On jaserait, au point d’effrayer le chaland à l’approche de l’isoloir. Mais de temps en temps, le naturel revenant au galop, il y a des dérapages, des jeux de mots nauséeux, des excursions qui finissent en ratonnades et des bras droits qui, machinalement, se tendent.

ll y a enfin une nouvelle nuance à dominante bleu-marine. Elle est prête à tout pour arriver au pouvoir, même à bouder son héritage, sans toutefois jamais déchirer le testament. Elle est consciente du côté rédhibitoire de son étiquette et de son lignage. Exit les dérapages et les débordements. Elle repousse ses fantômes sous le tapis et brade ses chemises noires. Elle planque quarante années d’albums photos où elle posait fièrement avec son paternel et tous ses tontons infréquentables. En somme, elle tourne la page de tout ce qui, jadis, faisait fureur. Pour se faire élire, désormais, elle est capable de tous les retournements, de toutes les acrobaties, même de défendre la laïcité là où ses aïeux la vouaient aux gémonies. Par opportunisme et électoralisme, elle est prête à trouver des qualités au juifs pour mieux s’en prendre aux arabes. S’il le faut, elle ira défiler à la Gay Pride. S’il le faut aussi, elle trouvera des qualités au Grand Orient de France. Pour parvenir à ses fins, elle montre tout d’un pseudo attachement, même tardif, à la République. Et pour tenter de rendre crédible son opération de relooking, elle ne rechignera pas à régler son Œdipe en public, histoire d’exhiber l’exorcisme.

Pourtant rien n’y fait. Toutes les tartufferies du monde ne suffiront pas à dissimuler la réalité des choses. Car toutes ces nuances appartiennent à la même couleur, pour ne pas dire à la même famille : celle de la haine, celle d’une extrême-droite qui n’a jamais renié son racisme, son antisémitisme et sa xénophobie. Vert-de-gris, bleu-bruns et bleu marine ont tous applaudi aux résultats de leur petite soeur autrichienne lors du 1er tour des élections présidentielles. Au Parlement européen, les cinquante nuances de gris sont réunies dans le même groupe qui votent comme un seul homme.

Depuis toujours, l’extrême-droite n’a qu’un seul programme et même avec un bon dictionnaire des synonymes, ses méthodes et ses victimes ne changent pas. Puissent les prochaines échéances électorales ne pas être suspendues à une affaire de perception de couleurs et les Français ne pas être daltoniens !

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1 Comment

  1. Thomas Parisot says: Répondre

    Je suis théoriquement adhérent à la licra mais dans mon isolement je ne suis pas certain d´être bien connu de vous . Ce texte , 50 nuances de vert de gris , me plaît à 100 % , enfin quelqu´un qui épingle à la perfection le portrait moisi des patriotes charognards de la France qu´ils considèrent comme une proie affaiblie , comme une France soumise au droit de cuissage dont rêvent les chevaliers maudits de l´extrême , droite ? , non de l´extrème sinistre universel .
    les médias auxquels j´ai accès n´osent pas dire les choses clairement , soi disant par devoir de neutralité sanctionné par le csa , alors que les discours de l´extrème droite ont le droit d´être diffusés et qu´il suffit effectivement de faire des explications de texte très simples pour les mettre en face de leur violence sanguinaire audible dans les images émaillant leurs discours .

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