Le racisme ne se mesure pas, il se ressent.

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La Commission nationale et consultative des droits de l’Homme (CNCDH) vient de publier son rapport annuel sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie en France. De ce travail, un constat qui s’impose à l’évidence : le racisme est difficilement mesurable.

D’un côté, a priori, une raison d’espérer : « l’indice longitudinal de tolérance», fondé sur une questionnaire de 64 questions destinées à révéler le niveau de racisme dans notre pays, semble indiquer une tendance favorable. La commission note même que « la forte remontée de l’indice de tolérance, les nombreuses mobilisations et initiatives citoyennes appelant au rejet de la haine, à la solidarité et au rassemblement au-delà des particularités propres à chacun, qui se sont multipliées tout au long de l’année 2015, permettent l’optimisme ». Les Français seraient plus tolérants que l’année dernière. D’aucuns y voient l’intériorisation de la menace terroriste qui favoriserait le retour à l’essentiel et aux valeurs universelles. L’expression du racisme, dans le climat tendu d’émotion que nous avons connu, deviendrait moins acceptable et son potentiel de dangerosité davantage perceptible. De quoi accréditer un reflux du nombre d’actes antisémites et antimusulmans annoncé par le Ministre de l’Intérieur pour le premier semestre 2016. Toutefois, l’historien Marc Knobel a soulevé un certain nombre de réserves, notamment méthodologiques, quant à cette étude et au risque de faire dire à cette enquête bien plus que ce qu’elle est. 

De l’autre, l’inquiétude persiste. 2015 a été l’année où le nombre d’actes racistes, antisémites et xénophobes a été le plus important depuis que la CNCDH en fait la mesure. Les chiffres de la place Beauvau montrent une augmentation de 22% des infractions de ce type, avec une flambée précisément au moment des attentats de janvier et de novembre. De quoi relativiser les effets de l’esprit Charlie sur nos concitoyens. Si les actes antisémites semblent être moins nombreux, ils constituent, en nombre, la part la plus importante des infractions recensées alors que la communauté juive représente à peine 1% de la population française. Dans le même temps, le nombre d’actes antimusulmans explose, progressant de 223% en une année. Là encore, tous ces chiffres doivent être relativisés et la comparaison avec d’autres pays nous y aide : en Grande-Bretagne, ce sont plus de 45 000 infractions à caractère raciste ou antisémite qui sont relevées chaque année pour une population comparable et pourtant nos voisins britanniques ne semblent pas être frappés, plus qu’en France, d’une épidémie massive d’intolérance.

Tous ces chiffres disent peu et beaucoup à la fois. Les paradoxes de l’enquête de la CNCDH démontrent que le racisme et l’antisémitisme sont difficilement mesurables et le racisme ordinaire, celui qui de donne pas lieu à plainte au commissariat, échappe à la batterie d’indicateurs dont on voudrait se doter. Plus que les chiffres eux-mêmes, c’est leur évolution qui nous aide un peu à comprendre ce qui se passe. Plus que la température que l’on cherche à mesurer avec des thermomètres très expérimentaux, c’est davantage la température ressentie qui compte et les signaux, même faibles, qui permettent de cerner le climat d’une société.

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