Le racisme et l’antisémitisme sont des délits … comme les autres !

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Le Parlement examine le projet de loi « Egalité et Citoyenneté », quasiment 44 ans jour pour jour après l’adoption, à l’unanimité de l’Assemblée Nationale et du Sénat, de la loi Pléven du 1er juillet 1972 « relative à la lutte contre le racisme » et 135 ans après l’adoption de la loi du 29 juillet 1881 « sur la liberté de la presse ». Ce texte aurait pu s’inscrire dans cette tradition française d’avant-garde dans la lutte contre le racisme et l’antisémitisme. L’occasion était belle de faire l’aggiornamento de notre législation antiraciste et de franchir une nouvelle étape dans la répression de ce type de délit. 

Notre arsenal juridique est aujourd’hui inadapté aux nouveaux modes de communication, à leur rapidité et à leur multiplication. Nous ne sommes plus dans la France des années 70.

Internet a rebattu les cartes et désormais chaque individu est devenu un éditeur. La protection accordée à la presse par Jules Ferry et destinée à mettre un terme à la censure, est devenue une entrave à l’efficacité d’une réponse pénale trop lente et peu dissuasive lorsque les faits sont commis par des particuliers.

Une évidence s’impose désormais : les délits instaurés en 1972 et inscrits dans la loi de 1881 sont appelés à en sortir pour signifier clairement que les délits d’expression doivent être considérés et traités comme des délits tout court et qu’ils ne sont pas des délits d’opinion.

Maintenir la distinction entre des « délits d’expression » et des « délits de droit commun » revient en effet à créer une hiérarchie qui affaiblit la force de la loi et sous-entend qu’il y aurait des délits de seconde zone et au final des délits moins délits que les autres. Comme l’abus de bien social, la corruption ou la non-assistance à personne en danger, l’incitation à la haine raciale est un délit « plein et entier »  qui doit appeler, comme tout délit, une sanction pénale « pleine et entière ».

Persister à différencier les « délits d’expression » des autres revient aussi à accréditer l’idée d’une « police de la pensée » si chère à une extrême-droite qui, dans ce domaine, il faut le dire, a développé une certaine expertise. Nous ne sommes ni au temps de l’Inquisition ni à celui des procès de Moscou. En France, les opinions sont libres et on a le droit de penser ce que l’on veut. La loi, en revanche, punit l’expression et la traduction d’une pensée raciste ou antisémite. C’est là une différence essentielle avec la vision nord-américaine de la liberté d’expression qui, en vertu du premier amendement, permet à tout un chacun de défiler en criant « Mort aux nègres »  sans tomber sous le coup de la loi et de la justice. Il est heureux que la France n’ait pas choisi ce « modèle ».

Les criminels de papier in vitro sont écoutés par des criminels in vivo, prêts à les exaucer et à passer à l’acte. De cela, nous devons nous protéger autrement, avec fermeté, en faisant de l’incitation et la provocation à la haine raciale des délits de droit commun et réprimés comme tels, en dehors de toute procédure d’exception, au besoin en utilisant la procédure de comparution immédiate. 

Aujourd’hui, un individu qui appelle à tuer des juifs sur Internet ne sera pas interpellé. Après avoir été convoqué par huissier de justice, il sera entendu par un officier de police judiciaire et, au mieux, renvoyé devant un tribunal correctionnel, jugé des mois sinon des années après les faits. Il est pourtant aussi dangereux qu’un délinquant routier qui provoque un accident en état d’ébriété et qui sera, lui, à juste titre jugé en comparution immédiate et lourdement condamné. Il faut savoir ce que l’on veut. La loi ne peut pas dire d’un côté que le racisme et l’antisémitisme sont des délits et de l’autre ne pas les traiter comme tels. Et les amodiations prévues par le projet de loi « Egalité et Citoyenneté » constituent malheureusement une regrettable reculade.

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