Ces statistiques qui « éthniquent la France » !

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L’Institut Montaigne vient de mener avec l’IFOP une enquête sur l’islam de France. Hakim El Karoui, auteur des conclusions de cette étude justifie la démarche pour lutter contre « la méfiance, l’ignorance et l’hostilité croissante d’une partie de la population » envers les musulmans. On ne saurait contester la sincérité de ceux qui ont souhaité conduire cette étude.

Pourtant, le remède risque d’être pire que le mal.

Tout d’abord, chacun aura remarqué le glissement sémantique actuellement à l’œuvre. Toute entrée est devenue religieuse. Les « Arabes » sont devenus des « musulmans ». A défaut de pouvoir faire des statistiques ethniques dans notre pays, on propose de faire des statistiques musulmanes.

Mais la question essentielle n’est même plus là. En vérité, le vrai sujet de préoccupation face à de telles enquêtes est plus profond : à quoi bon s’acharner à vouloir découper la France en tranches ? Que peut-il advenir de positif pour notre vie en commun avec ce type d’enquêtes ? A qui profite cette idée fixe consistant à vouloir extraire une partie – les musulmans – du tout – les citoyens français ?

Evidemment, les optimistes animés le plus souvent par les meilleures intentions du monde, vont se réjouir du fait qu’une majorité de musulmans est favorable à la République et que deux tiers d’entre eux trouvent la laïcité très positive. Ils feront dire à ces chiffres ce qu’ils ont envie d’entendre : qu’un islam de France est possible et compatible avec la République. Ils ne manqueront pas de voir dans cette étude un « antidote » aux fantasmes qui agitent notre pays au sujet des musulmans.

Mais les statistiques, comme l’écrivait Disraeli, « c’est l’art raffiné du mensonge » et se transforment, au gré des intentions des uns et des autres, en usine à fabriquer de la haine. L’extrême-droite n’a pas attendu vingt-quatre heures pour invoquer à l’appui de sa démonstration la proportion de musulmans qui, selon cette même enquête, seraient favorables à la charia et à un islam rigoriste. Voilà chiffré, mesuré, quantifié, justifié avec l’imprimatur de la science le prétendu poids notre ennemi intérieur et la soi-disant preuve du « Grand Remplacement » dont nous serions victimes. Et avec les mêmes chiffres, ils viendront conclure au caractère totalement insoluble de l’islam dans la République. De quoi nourrir les obsessions et les droits d’auteur d’Eric Zemmour et de Robert Ménard pour les dix ans qui viennent.

Tout ceci est vain et malsain. S’obstiner à vouloir mesurer nos différences alimente l’angélisme et l’extrémisme à la fois. Rien de bon pour notre vie en commun ne peut jaillir d’une telle approche. Enfermer une partie de nos concitoyens dans leur appartenance religieuse, c’est à coup sûr les éloigner des valeurs universelles de la République en persistant à les considérer comme des musulmans avant de les regarder comme des citoyens à part entière.

Cela aura pour effet, quoi qu’on en dise, de les renvoyer, si ce n’est par adhésion mais au moins par proximité culturelle, dans les bras du communautarisme et des islamistes radicaux, premiers bénéficiaires de cette assignation identitaire. Au lieu de vouloir mettre des chiffres sur ce qui nous sépare, il serait plus utile au bien public et à la cohésion nationale de regarder ce qui nous réunit. Dans la période de tensions que nous traversons, nous aurions fait un grand pas.

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