Hongrie : quand le peuple refuse le populisme

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La cause était entendue. A lire tous les observateurs de la vie politique et les médias européens, cela ne devait pas faire un pli. Les Hongrois devaient suivre comme un seul homme leur Premier Ministre Viktor Orban et par référendum dire non à l’accueil des réfugiés dans leur pays prévu par l’Union Européenne. Au Front National, on avait déjà mis le champagne au frais, comme si ce vote était un tour préliminaire aux élections françaises de 2017. Dans les colonnes infernales du site Riposte laïque, Karim Ouchikh, président de « Souveraineté, Identité et Libertés » fondé par Paul-Marie Couteaux et membre du Rassemblement Bleu Marine, prophétisait même au matin du scrutin que  » le vent de la résistance soufflerait de Budapest ».

Les résultats ont une apparence a priori très désagréable : 98,3% des suffrages se sont exprimés en faveur des extrémistes. Mais ce score soviétique, qui rappelle de mauvais souvenirs dans cette partie de l’Europe, masque une autre réalité : une abstention massive, de près de 56%. Sur 8,2 millions d’électeurs, seuls 3,6 millions se sont déplacés. Près de 4,7 millions de Hongrois ont voté avec leurs pieds, préférant rester chez eux plutôt que d’apporter leur caution et leur soutien à cette proposition scélérate. Le gouvernement avait pourtant dépensé près de 13 millions d’euros dans une campagne de communication massive fondée sur la peur et la xénophobie qui s’est apparentée, selon le journal économique HVG, à un véritable « lavage de cerveau ». Autant dire que les citoyens Hongrois ne pouvaient ignorer l’existence de ce scrutin et son importance pour le Premier Ministre.

Dans un pays comme la Hongrie, où l’information devient propagande, où le parti se confond de plus en plus avec l’Etat, où la justice est aux ordres, où les menaces et les intimidations ont été érigées en mode de gouvernement, s’abstenir c’est envoyer au pouvoir un message d’indocilité. Il faut y voir, je veux en tout cas l’espérer, un acte de défiance vis-à-vis du système autoritaire actuellement en place. Evidemment, il aurait été plus clair, plus honorable, plus flamboyant que ces 4,7 millions de personnes se lèvent pour écraser dans les urnes les velléités populistes de leur gouvernement. Elles ne l’ont pas fait et il est toujours difficile d’interpréter un mutisme.

Mais le résultat, voulu consciemment ou pas, est là. En refusant de voter, les Hongrois ont planté le Réfugiexit. Le référendum est donc invalidé, le taux de participation n’ayant pas franchi la barre de 50%. En bon démocrate, Viktor « Pyrrhus » Orban propose de changer la Constitution pour y remédier. Et, à terme, n’en doutons pas, comme l’écrivait Bertolt Brecht, « puisque le peuple vote contre le Gouvernement, il faudra dissoudre le peuple. »

Marine Le Pen et son allié Karim Ouchikh ont eu le champagne amer et n’ont pas obtenu la victoire qu’ils espéraient importer en France. Le vent qu’ils attendaient n’a pas soufflé, ce dimanche, à Budapest. Tout ce que la Hongrie aura récolté, c’est d’avoir offert au parti d’extrême-droite Jobbik, jadis allié d’Orban, une tribune inespérée pour raviver les pulsions racistes du pays et libérer la parole xénophobe.

Il faut tirer les leçons de ce qui s’est passé en Hongrie le 2 octobre. Même si chacun connait l’enracinement extrémiste de la Hongrie, elle a refusé de renier sa parole, celle inscrite dans la convention de Genève qu’elle a ratifiée en 1989. Dont acte. Elle l’a fait à sa manière, par un silence. En définitive, plongée dans un bain de ressentiment et de haine, elle a, peut-être malgré elle, refusé d’être la honte de l’Europe.

Certains voient déjà les idées du Front National remporter les élections de l’année prochaine en France. Nous aussi, nous aurons le devoir moral de lui signifier, dans les urnes, que le peuple est le meilleur antidote contre le populisme. Mais cette fois-ci, il faudra aller voter, massivement.

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