Mardi 18 octobre au soir. Une « alerte enlèvement » surgit sur les écrans. Elle mentionne en toutes lettres que l’individu suspecté du rapt d’un nourrisson de 4 mois est de « race noire ». Evidemment, l’émotion est grande : cette expression est raciste. Quelques heures plus tard, l’enfant est retrouvé sain et sauf. La situation autorise désormais que des leçons soient tirées de cet épisode qui dit beaucoup de choses sur notre époque.
Tout d’abord, nous nous trouvions mardi soir dans une urgence vitale, celle d’un bébé en danger. C’est là que résidait l’essentiel, avant toute autre considération. Dans ce contexte, on peut comprendre, tout en le déplorant, que sous la pression des circonstances, les pouvoirs publics aient pu négliger le poids des mots.
Dans cette affaire ce n’est pas le terme « noir » qui pose problème mais celui de « race ». Le fait de mentionner la couleur de la peau de l’auteur présumé des faits était en effet objectivement un élément utile à la réussite de cette opération. S’il avait été blanc ou d’origine asiatique, il aurait fallu le dire de la même manière. En revanche, l’emploi du mot « race » est inacceptable. Adossé à tous les qualificatifs du monde, il les salit et les abaisse.
Il y a lieu en revanche de relever et de se féliciter que le contre-pouvoir de l’opinion publique ait fonctionné à plein et que la réaction citoyenne se soit exprimée avec force. C’est grâce à elle que le Ministère de la Justice a rectifié, certes maladroitement et en deux fois, le texte qui avait légitimement suscité une véritable bronca sur les réseaux sociaux. La reconnaissance de cette erreur atteste de la bonne foi de ceux qui ont commis la faute.
Mais cette affaire démontre aussi comment certains collectifs dévoient l’antiracisme en tentant de théoriser un prétendu « Racisme d’Etat ». A voir du racisme partout, à considérer qu’il serait dans l’ADN de nos institutions, ils affaiblissent le combat contre les discriminations. Leurs arguments ne résistent pas deux secondes à l’analyse et on imagine mal le Maréchal Pétain céder à la pression populaire pour revoir en l’amodiant la rédaction du statut des Juifs. La France n’est pas un Etat raciste. Le Garde des Sceaux est à mille lieues des racistes, les vrais, qui en ce moment tiennent le haut du pavé en placardant leurs villes d’invitations à la haine, en faisant des listes de musulmans, en organisant des référendums ignobles ou en fantasmant une France monolithique, catholique, apostolique et romaine, voire gallo-romaine.
Oui, le racisme existe dans la société et dans certaines villes dirigées par l’extrême-droite. C’est, pour reprendre une expression chère à Jean Pierre-Bloch, « une lèpre » qui progresse, s’il l’on en croit les résultats électoraux et la popularité de certains collectifs. Evidemment, on aimerait, dans un monde idéal, une République exemplaire et irréprochable dans les mots qu’elle utilise.
On aimerait, comme la LICRA le demande depuis longtemps, et comme le Président de la République alors candidat s’y était engagé, voir disparaître le mot « race » de la Constitution. On aimerait que tous les dépositaires de l’autorité publique soient formés, sensibilisés à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme pour éviter ce type de dérapage.
La LICRA prend sa part dans ce travail en contribuant chaque année à la formation et à la sensibilisation de près de 6000 policiers et gendarmes.
C’est cela qu’il faut retirer cette affaire, outre bien sûr et principalement que le dispositif « alerte enlèvement » a parfaitement fonctionné.