Journaliste au Bondy Blog, ancien chroniqueur sur France Inter et sur Arte, cofondateur du journal Téléramadan, habitué des Inrocks et l’Obs, de Télérama, du Monde, Mehdi Meklat est aussi écrivain. Le samedi 28 février, alors qu’il faisait la promotion de son dernier livre dans La Grande librairie sur France 5, plusieurs internautes ont révélé sur les réseaux sociaux son autre visage : celui d’un jeune homme qui, entre 2011 et 2015 – au moins – a déversé sur son compte Twitter et notamment sous le pseudonyme de « Marcelin Deschamps » un véritable tombereau de messages racistes, antisémites, homophobes et misogynes d’une violence inouie.
Avec des mots où l’injure dispute à l’incitation à la haine, il fait également l’apologie du terrorisme, Ben Laden et Mohamed Merah en sautoir et promettant à la rédaction de Charlie Hebdo les derniers outrages, quelques mois seulement avant le 7 janvier 2015. Au total, c’est comme si quelqu’un avait débité en 140 signes Bagatelles pour un massacre avant de le mettre en ligne, par morceau, chaque jour, durant plus de trois ans. En quelques heures, celui qui était devenu la coqueluche des médias, passait, en toute logique, du Capitole à la roche Tarpéienne.
Pour sa défense, Medhi Meklat s’enferre dans un galimatias « abracadabrantesque » plutôt que d’assumer ce qu’il a fait. C’est le syndrome de « la part d’ombre » déjà popularisé avant lui par Jérôme Cahuzac. Après avoir supprimé à la hâte plus de 50 000 tweets commis jusqu’à une période très récente, il a invoqué un dédoublement de la personnalité et « un autre », qui, en lui, serait devenu « incontrôlable ». Il a depuis annoncé avoir quitté le pays, se disant victime de menaces. C’est bien dommage car il est nécessaire qu’il s’explique. Qu’au moins cette affaire glauque serve à quelque chose, notamment pour tous les « Mehdi Meklat » qui, dans l’indifférence générale, constituent de véritables bombes à retardement.
Au-delà de la légitime indignation qu’elle soulève et des suites judiciaires qui pourront difficilement lui être données en raison de la prescription, cette affaire est l’arbre qui cache une forêt de haine et de complaisance sur laquelle il faut ouvrir enfin les yeux.
La haine tout d’abord. Les réseaux sociaux sont devenus la cloaca maxima des temps modernes où se déversent chaque seconde des mégaoctets d’immondices racistes, antisémites, homophobes et misogynes. L’injure et la vulgarité y tiennent souvent lieu de langage, l’anonymat offrant à leurs usagers un commode abri de lâcheté. L’affaire Meklat démontre, s’il en était encore besoin, qu’ils sont devenus des lieux incontrôlables où toutes les haines s’affichent sans crainte de sanctions quasi impossibles. Elle montre aussi l’ampleur des défaillances ayant fourni à ce garçon une impunité totale des années durant, sans que personne ne tire la sonnette d’alarme. Et même si ces contenus avaient été signalés, il n’aurait pas été certain d’en obtenir la suppression, car dans la pratique, les demandes de modération transmises aux hébergeurs demeurent trop souvent lettre morte. Domiciliés aux États-Unis, ces derniers se réclament du Premier amendement à la Constitution américaine, qui garantit une liberté d’expression presque illimitée, pour laisser en ligne des contenus que la loi française réprime pourtant. S’il faut tirer une seule leçon de cette affaire, c’est bien qu’il est nécessaire d’encadrer et responsabiliser davantage les hébergeurs de contenus. Sans cela, d’autres Mehdi Meklat pourront encore fleurir sur la toile et pour longtemps.
La complaisance ensuite. Depuis le déclenchement de cette affaire, il y a eu trois types de réactions.
Celle, immédiate et sans ambiguité, de François Busnel, présentateur de l’émission la Grande Librairie, indiquant que s’il avait été informé de la teneur des tweets de Medhi Meklat, il ne l’aurait jamais invité en dépit de qualité littéraire que d’aucuns semblent accorder à ses livres.
Il y a eu, aussi, il faut le dire, une précipitation dans la miséricorde et le relativisme qui pose problème, notamment parmi ceux qui ont élevé Mehdi Meklat au pinacle médiatique durant des années, lui offrant des tribunes, des unes de magazines ou des émissions de radios. Si tous condamnent le racisme, l’antisémitisme et le terrible cortège de leur égérie, beaucoup se contorsionnent pour fournir des explications qui deviennent rapidement des excuses, invoquant dans un même mouvement la violence de son milieu social, son art, incompris, de la transgression ou encore l’insolence de sa jeunesse. Dans cet exercice, Mediapart a supplanté tous les autres dans le retournement consistant à transformer le coupable en victime : l’affaire Meklat serait en fait « la revanche des islamophobes », orchestrée par « une coalition numérique à la manœuvre » pour s’attaquer à « l’enfant prodige du Bondy Blog ». De quoi tomber à la renverse.
Et puis il y a ceux qui n’ont rien dit et dont la discrétion contraste avec l’activisme médiatique qu’on leur connaît habituellement. Mehdi Meklat était un soutien officiel du CCIF, un compagnon de route qui figurait dans ses campagnes de communication. Depuis le début de cette affaire, sauf démenti de dernière minute, aucune réaction, aucune condamnation, aucune demande d’explication n’a émané de la part de cette association. Décidément, le cardinal de Retz avait raison : « on ne sort de l’ambiguité qu’à son détriment ».
merci pour cet article, la licra va-t-elle porter cette affaire en justice?