1er juin 1987 : Le martyr des enfants d’Izieu

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Il est encore question des enfants d’Izieu. Le meurtre d’un enfant est toujours effroyable. Dans ce procès, ce sont 44 enfants que Klaus Barbie a délibérément envoyé à la mort, uniquement parce qu’ils étaient nés juifs. Si l’on avait un doute sur le sort réservé à ces enfants, Edith Klebinder est venue le lever à la barre des témoins. Arrêtée à Lyon le 20 mars 1944, elle a été emmenée à Drancy le 31 mars et envoyée à Auschwitz le 13 avril 1944 dans un convoi de 1.500 hommes, femmes et enfants. « Ce voyage a été quelque chose d’hallucinant. J’ai vu une femme devenir folle dans le wagon ; une autre a fait une fausse couche. J’ai entendu une mère chanter pour apaiser sa fillette en larmes. Le train s’est arrêté une fois pour qu’on vide les tinettes qui débordaient. »

Edith Klebinder raconte la sélection à l’arrivée à Auschwitz.

 

Les SS faisaient monter les femmes et les enfants dans les camions en leur disant « comme çà vous arriverez plus vite. » C’est là qu’Edith Klebinder a vu un groupe d’enfants dont elle a su plus tard qu’il s’agissait des enfants d’Izieu. Elle garde en mémoire le départ du camion. Elle ne les a jamais revus. Quand, après les sinistres opérations de rasage et de tatouage, Edith Klebinder s’est retrouvée dans une barraque, le chef a demandé à un SS « alors il en reste combien ? » Il a répondu « 250. » Sur les 1.500 personnes au départ de Drancy, 1.250 ont été liquidées à leur arrivée au camp. Edith Klebinder indique à la Cour : « Nous étions étonnés de ne pas avoir parmi nous d’enfants. Une qui était là depuis plusieurs mois m’a dit « tu n’as pas vu les cheminées des crématoires ? Regarde. Tu comprendras. ». Comme si cela ne suffisait pas, elle ajoute : « un jour, nous avons croisé un groupe qui arrivait. On nous a séparés par des barbelés. Une femme a reconnu dans ce groupe sa fille et sa mère en route pour la chambre à gaz. Elle s’est jetée aux pieds du SS qui se trouvait là. Elle l’a supplié. Il lui a dit : « voyez-vous, pendant que vous êtes à mes pieds, elles sont déjà passées par la cheminée. » La malheureuse a hurlé comme une bête pendant des jours. »

Edith Klebinder est la dernière à avoir vu les enfants d’Izieu…

 

Paulette Roche les fait revenir devant nous le temps de son témoignage. Alors âgée de 16 ans, elle a été monitrice à la colonie d’Izieu au cours de l’été 1943. Elle raconte la vie joyeuse des enfants, au moins la journée. Les soirées étaient plus difficiles. Il lui fallait raconter une histoire à chacun pour les endormir. Il est difficile d’être séparé de ses parents, surtout quand, comme Emile Zuckerberg, on a à peine cinq ans.

 

L’homme qui se présente pour témoigner est un miraculé. Adolph Waysenson a séjourné à Izieu alors qu’il était âgé de dix ans. Au cours de l’été 1944, il a quitté la colonie pour être caché dans le Gard. Il aurait pu être la 45ème victime.

 

C’est à présent au tour de Paul Nedermann de conter son histoire. Juif allemand, il a pu s’évader du camp de Rivesaltes grâce à Madame Zlatin. Il avait dix-huit ans lorsqu’il est arrivé à Izieu avec son meilleur ami, Théodore Reis, d’un an son cadet. Ils y ont découvert un havre de paix après l’enfer qu’ils avaient connu depuis des années, de brimades et autres tabassages de la part des jeunesses hitlériennes, la nuit de cristal, l’arrivée en France, les caches successives… Paul Nedermann parle les yeux mi-clos de son ami Théo. « Nous faisions des projets d’avenir. Nous parlions de plus tard, une fois que cette guerre serait finie. Car elle allait bien finir un jour, Monsieur le Président. » Bien que les meilleurs amis du monde, Paul et Théo étaient très différents. Paul était aussi grand et fort que Théo était petit et frêle. Selon la rumeur de l’époque, les enfants juifs n’étaient déportés qu’au-delà de quinze ans. Théo ne les faisait pas, Paul si. Alors, les amis ont été séparés et Paul a quitté Izieu. Théo y est resté. Nous connaissons la suite. 43 ans après, Paul Nedermann nous parle, les yeux emplis de larmes, de ce serment d’enfants « on s’était juré de se retrouver après la guerre. On s’était dit qu’où que l’on soit, nous nous reverrions. »

Théo avait été jugé trop petit pour partir avec son ami Paul. Les allemands l’ont jugé assez grand pour être fusillé.

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