La journée du 11 juin 1987 commence avec l’audition d’un des plus illustres résistants, Jacques Chaban-Delmas. L’homme est fidèle à son image. Alors que nombre de ses compagnons peinent à gravir les quelques marches de l’escalier qui conduit à la barre des témoins, lui les saute avec une agilité stupéfiante. Sa déposition sera une ode à la résistance et à la France. Tout le monde trouve grâce à ses yeux. Il aura même un mot pour ceux qui ont parlé sous la torture. « Si je rencontre l’un de nous qui a craqué, je lui serre la main » déclare-t-il. Jacques Chaban-Delmas dira également combien il considère ce procès utile, surtout en voyant dans la salle nombre de jeunes gens venus assister aux audiences. Il faut affirme-t-il « faire apparaître la vérité et tirer les leçons des faits car la bête immonde n’est pas morte. » C’est sans doute autant l’homme politique que le grand résistant qui parle, lorsque Jacques Chaban-Delmas achève son propos en ces termes : « Les jeunes générations doivent savoir qu’elles n’ont pas à rougir de leurs aînés et de la France. Je ne pense pas que la vérité puisse s’opposer à la fraternité. » Cet hommage à la résistance était nécessaire. Pour autant, n’est-il pas un peu réducteur de la présenter de façon aussi idyllique ? La réalité n’est-elle pas plus nuancée ? La vérité n’est jamais univoque. Le respect que nous devons à la résistance n’interdit pas de dire les dissensions qui existaient en son sein. Le procès Barbie a opportunément ouvert le débat à ce sujet.
Le reste de l’après-midi sera consacré aux dépositions d’intérêt inégal, de plusieurs autres anciens résistants. Mentionnons celle de Pierre Yves Lesage qui évoqua fort justement le rôle de la milice « premier pourvoyeur » de la gestapo de Klaus Barbie. Après lui, les témoins entendus donnaient davantage l’impression d’entretenir de vieilles querelles, suscitant un désagréable sentiment de malaise après le plaidoyer sur l’unité de Jacques Chaban-Delmas en début d’audience.