12 juin 1987 : Point de race chez les Hommes

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12 juin 1987. La dernière journée de la semaine est une sorte d’audience « fourre-tout » dont, avec le recul, on a peine à discerner les contours. On attendait beaucoup du témoignage de Marie-Madeleine Fourcade, héroïque résistante s’il en fut. Elle ne fera que compléter la présentation de la résistance dressée la veille, par le prisme de son propre réseau. Le Président Cerdini usera de tous les égards pour tenter de la ramener aux sujets sur lesquels elle était invitée à témoigner. « Essayez de parler des conditions de l’arrestation, de la détention, de la déportation, mais pas du combat de votre réseau » tente-t-il désespérément. En vain.

 

Le témoignage suivant, émanant du Docteur Scheffler, professeur d’université allemand, n’a fait qu’entretenir le doute sur les dépositions lumineuses faites avant lui par les magistrats Holtfort et Schtreïm. Déposition longue, ennuyeuse, inutile. Alors que se termine la cinquième semaine du procès, il est difficile d’éviter les redites.

 

C’est pourtant ce que fera admirablement le Professeur Jacquard, généticien de renom, venu parler du mythe des races supérieures ou inférieures. « Le concept de race, indique-t-il à la Cour, n’est pas opératoire pour l’espèce humaine et parler de race c’est utiliser des mots qui n’ont pas de sens, puisqu’il est impossible de définir des races sans tomber du point de vue scientifique dans l’arbitraire le plus total. Si les hommes sont différents, cela ne veut pas dire que certains sont supérieurs à d’autres. » Témoignage lumineux, dont on ne peut que regretter qu’il ait été si peu relayé par la presse, sans doute en raison de l’heure tardive.

 

Passionnant encore, le témoignage de Laurent Schwartz, infatigable combattant des droits de l’Homme. S’il fut sans concession sur les tortures en Algérie, point sur lequel il était notamment attendu par Jacques Vergès, il tint immédiatement à faire la part des choses. Il y avait dans le nazisme une dimension supplémentaire par rapport à tout le reste de l’innommable. « L’étoile jaune devait être achetée et payée avec des points textile » rappela-t-il opportunément en soulignant qu’après la torture en Algérie, il y avait de vrais procès, avec de vrais avocats. La France n’a-t-elle d’ailleurs pas préféré perdre l’Algérie pour conserver la démocratie ? Il fut également important d’entendre dans la bouche de Laurent Schwartz le danger qu’il y a à assimiler le goulag aux camps de concentration ou les CRS aux SS.

 

En fin d’audience, Pierre Menier, tentera d’évoquer la mort de son chef, Jean Moulin, pour le plus grand délice de Jacques Vergès. Le Président Cerdini sera contraint de lui rappeler de façon ferme que la Cour n’est pas saisie de ces faits. Le témoin insiste. Le Président l’interrompt. L’audience s’éternise.

 

Les témoignages d’Elie Picard, Tony Lainé et Robert Pages, entendus en vertu du pouvoir discrétionnaire du Président, passeront littéralement à la trappe. La capacité d’écoute s’amenuise avec le temps. Rendez-vous lundi prochain 15 juin (1987).

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