La fraternité, valeur refuge

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La haine de l’étranger se porte bien et, comme par le passé, met à l’épreuve les démocraties occidentales. Les résultats des élections régionales en Allemagne en témoignent : après avoir mené ouvertement une campagne anti- migrants, le parti d’extrême-droite AFD (« Alternative pour l’Allemagne ») a enregistré un succès électoral inédit dans un pays prospère, devenant même la deuxième force politique dans la Région de Saxe-Anhalt. Une situation qui contraste singulièrement avec les images de ces migrants accueillis à bras ouverts en gare de Munich il y a quelques mois. En laissant seule l’Allemagne être fraternelle pour tous les autres, l’Europe a très largement échoué et a laissé germer des graines que les xénophobes ne manquent pas de cultiver.

Depuis l’arrivée de réfugiés issus majoritairement de Syrie et d’Irak, l’Europe a pourtant une responsabilité historique : celle d’honorer la promesse humaniste sur laquelle elle s’est construite depuis la seconde guerre mondiale. L’Europe a un devoir majeur : montrer que l’universalité de nos valeurs n’est pas devenue un astre mort.

 

Dans notre pays, et j’ai eu l’occasion de le dire à l’occasion du 48ème congrès de la LICRA, nous n’avons pas été à la hauteur de notre Histoire et de nos valeurs devant l’arrivée massive de réfugiés, égarés par la guerre et les persécutions. L’extrême-droite – et la droite extrême – sont parvenues à paralyser une partie du corps politique de notre pays, et à battre en brèche la tradition consistant à offrir depuis 1793 le droit d’asile sur les territoires de la République à  «tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté » comme nous le rappelle avec force le préambule de la Constitution de 1946.

 

Evidemment, expliquer à une société en crise, qui subit le chômage et la précarité, que nous devons accueillir des peuples persécutés venus du Moyen-Orient exige du courage et de la volonté. En revanche, il ne faut ni courage ni volonté pour flatter les bas instincts, faire du racolage électoral sur la haine de l’étranger et proposer de trier les réfugiés entre chrétiens et musulmans. Il ne faut absolument aucun courage pour opposer, par électoralisme, le sort des Français les plus démunis au sort des réfugiés syriens. Les Français les plus démunis apprécieront d’ailleurs au passage le soutien tardif d’une extrême-droite prétendument sociale qui les a toujours considérés comme des parias de l’assistanat.

 

Quand les difficultés s’amoncellent, il faut rester ferme dans ses valeurs et s’appuyer sur l’épaisseur de notre Histoire. Lors de l’arrivée des premiers réfugiés l’an dernier, le maire d’Autrans dans le Vercors rappelait à juste titre la force de notre héritage. En 1937, Saint-Jean-en-Royans accueillait des enfants de républicains espagnols originaires de Malaga. Dès 1940, le Vercors fut une terre de refuge pour la communauté juive venue de toute l’Europe. En octobre 1940, ce sont des jeunes polonais, des arméniens, des italiens antifascistes, des nord-africains qui trouvèrent refuge à Villard-de-Lans avant de s’engager dans la Résistance. A la fin des années soixante-dix, ce fut le tour des boat-people venus du Vietnam ou encore des Chiliens chassés par la dictature de Pinochet. Le Vercors est à l’image de la France que nous voulons, une France ouverte et fraternelle qui revendique sa tradition de main tendue aux peuples opprimés. Les juifs disaient autrefois : « Heureux comme Dieu en France ! ». Je voudrais qu’on puisse dire un jour : « Heureux comme un réfugié en France ! ».

 

Et que l’extrême-droite française se rassure. Elle n’a pas le monopole de la haine et de la bêtise. Pendant qu’elle grimpe sur les estrades pour écumer de xénophobie, ses bons amis suisses organisent des votations pour bouter hors de Suisse les transfrontaliers français, accusés de manger le pain helvète. Décidément, comme l’écrivait Camus, « On est tous l’étranger de l’autre ».

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