L’extrême-droite est de retour en Europe avec une amplitude inédite depuis la Seconde Guerre Mondiale. Qu’elle porte des habits neufs populistes, souverainistes, europhobes, patriotes ou qu’elle revête ses vieux oripeaux ouvertement identitaires, nationalistes, xénophobes, anti-immigrés, racistes et antisémites, elle est partout inspirée par la même idéologie. Les résultats de l’élection présidentielle autrichienne, qui ont placé en tête du premier tour le candidat d’extrême-droite, avec 36% des voix et un taux de participation de 70%, s’inscrivent dans un mouvement profond qui touche toute l’Europe et affaiblit gravement le camp des démocrates et des valeurs sur lesquelles notre continent s’est reconstruit après 1945.
L’Autriche n’est pas un cas isolé. L’Europe scandinave, qui a longtemps réduit l’extrême-droite à la marginalité, semble, elle aussi, céder aux sirènes extrémistes. « Les Démocrates de Suède » de Jimmie Akesson, dont une conseillère municipale arborait il y a peu un brassard siglé d’une croix gammée, sont devenus la troisième force politique du pays. Le Parti Populaire Danois est arrivé en seconde position lors des élections générales de 2014 et le gouvernement libéral de Lars Løkke Rasmussen lui doit désormais sa survie. En Finlande, le parti populiste « les Vrais Finlandais » participe depuis le printemps 2015 au gouvernement dirigé par le centriste conservateur Juha Sipilä.
Depuis les européennes de 2014, le parti Jobikk, aux affinités néo-nazies, est le deuxième parti de Hongrie, en menant une campagne ouvertement xénophobe et fondée sur l’irrédentisme hongrois qui ferait passer le très conservateur Viktor Orban pour un parangon démocrate.
En Pologne, trois anciens présidents, dont le Prix Nobel de la Paix Lech Walesa, s’inquiétaient il y a peu « des déclarations et des actions antieuropéennes et xénophobes » du Parti au pouvoir Droit et Justice (PiS) de Jaroslaw Kaczynski.
En Belgique, le N-VA de Bart de Wever, parfois très proche du Vlaams Belang, détient depuis 2014 au sein du gouvernement Michel les portefeuilles de l’intérieur, des finances, de la défense ainsi que le secrétariat d’Etat à l’asile et à la migration.
En Italie, lors des régionales de 2015, la Ligue du Nord a obtenu 13% des voix au niveau national, passant devant Forza Italia et dépassant les 50% en Vénétie. Son leader, Mateo Salvini, qui voulait encore il y a quelques années instaurer des wagons séparés pour les Milanais de souche dans le métro de la capitale lombarde, est en passe de fédérer autour de lui une grande coalition qui va des déçus de Berlusconi aux néo-fascismes.
En France, enfin, le Front National a obtenu lors des dernières élections régionales un nombre de voix qu’il n’avait jamais réussi à atteindre, surclassant de très loin celui obtenu par Jean-Marie Le Pen le 21 avril 2002.
Chacun le sait, la nuée porte l’orage et l’Europe est exposée à la prolifération des populismes. La faute à qui ? Evidemment au contexte économique, qui, avec des variations toutefois notables, touche notre continent. Mais cette explication a ses limites. La bonne santé économique du Danemark ou de l’Autriche en constituent le contre exemple.
En vérité, la crise des réfugiés a mis à l’épreuve les valeurs fondatrices de l’Europe et a démontré qu’il était possible de contenir l’extrême-droite lorsqu’on y demeure fidèle. Très nettement, dans les pays où les gouvernements ont tergiversé ou ont cédé à la peur, une prime a été donnée à la surenchère identitaire, aux campagnes xénophobes du type « Stop Invazione » comme en Italie. En revanche, en Allemagne, où la chancelière Angela Merkel a fait honneur à l’Europe, l’extrême-droite a été contenue. En dépit de quelques poussées de fièvre, déjà connues par le passé à l’époque de la réunification, l’extrême-droite, en Allemagne, n’est pas en situation de gouverner ou de participer à une coalition. Les autres pays d’Europe, dont la France, ne sauraient en dire autant.
Le nationalisme et la xénophobie ne sont pas une fatalité. L’exemple allemand, qui devrait faire rougir de honte la moitié des dirigeants européens, en est la preuve. Il invite au courage là où semble régner la résignation. Il invite aussi à rester ferme dans nos valeurs, à les incarner sans faiblesse et sans céder à l’électoralisme.
Bonjour, merci pour votre article.
Ne devriez-vous pas aussi mentionner la Croatie, qui a pu adhérer à l’Union européenne, mais qui, d’après Libération du 23 avril (information pas très relayée) semble également cultiver sa nostalgie du fascisme.
Bien à vous,
Sabine Collé Bollack