Comme tous les cinq ans à l’approche des échéances électorales, le concours olympique de démagogie vient d’être ouvert. Et contrairement à Rio, il n’y aura pas pénurie de médailles. C’est à celui qui aura la plus grosse audace dans la surenchère et la médiatisation. Et qu’ils soient grands ou petits, connus ou aspirant à l’être, l’essentiel, pour certains élus, c’est de participer. L’intrépide maire de Cannes vient d’entrer dans la compétition en proposant de lutter contre l’islamisme radical à coup d’arrêté municipal. Jusqu’au 31 août inclus – et pas au-delà-, les tenues sur les plages cannoises devront être « respectueuses des bonnes moeurs et de la laïcité ». Dans la ligne de mire du maire de la ville, les « burkinis », déclinaison estivale de l’islamisme vestimentaire féminin. Les intégristes musulmans, qui ont sans doute tremblé d’effroi devant le rescrit communal les menaçant de la somme exorbitante de 38 euros d’amende, ne manqueront pas de migrer à Mandelieu-La Napoule et Antibes pour enfiler leurs burkinis dans le respect de la loi locale.
Que les choses soient claires. Je partage l’aversion et l’irritation de beaucoup de nos concitoyens devant les manifestations de plus en plus visibles du fondamentalisme et notamment celles qui consistent à enfermer le corps des femmes dans des carcans médiévaux. Et s’il suffisait d’interdire sur tout le territoire national les signes ostentatoires de l’intégrisme religieux pour faire reculer l’islamisme radical, je serais le premier à approuver ce type de mesure. Mais ces interdictions sont dérisoires, inefficaces et inapplicables. Elles vont conduire à des situations ubuesques où la force de la loi y perdra ce que le ridicule, lui, y gagnera. Qu’est-ce qu’une « tenue respectueuse des bonnes moeurs et de la laïcité » ? Les juges administratifs risquent rapidement de ne plus savoir à quels saints se vouer !
Voilà qu’un Maire (de droite qui plus est ) considère que les seins nus et le string seraient conformes aux bonnes mœurs, à moins que ce ne soit à nos valeurs de liberté et de fraternité, pour justifier l’interdiction d’une tenue qui n’est pas choquante en soi mais par les fantasmes qu’elle véhicule. Triste époque que celle où le burkini fait davantage fantasmer que le string. Et quel retournement de l’histoire ! A Cannes, le 7 juillet 1964, le jeune Claudine âgée de 21 ans se faisait arrêter par la police puis condamnée par la justice en raison du fait qu’elle faisait sur la plage une partie de ping-pong simplement vêtue d’un monokini…
En quoi d’ailleurs le burkini est-il islamiste, si ce n’est par les femmes qui le portent ? Ce sont les islamistes radicaux qui chargent ce morceau de tissu d’une connotation prétendument religieuse. D’où le piège qui nous est tendu. Ce type d’interdiction alimente en effet dangereusement la rhétorique des théoriciens de « l’islamophobie » selon lesquels les musulmans de France seraient persécutés par la République. Il n’est que de voir les photographies, qui ont commencé à apparaître sur internet, de religieuses catholiques venues se faire dorer la cornette sur la Croisette. Leur tenue est sans nul doute conforme aux bonnes mœurs… mais à la laicite ? Il n’y a pas si longtemps les gendarmes de Saint-Tropez chassaient en 2CV les nudistes avec l’aide des bonnes soeurs. Aujourd’hui, ils seraient épaulé par les topless pour traquer le burkini. De Funès reviens ils sont devenus fous !
On attend avec impatience l’étape suivante, à la faveur de laquelle tel ou tel élu en mal de notoriété proposera de réglementer la longueur de la barbe, quitte à mettre à l’amende tous les hipsters et légionnaires du pays. On décernera à n’en pas douter une médaille à celui qui proposera de délibérer sur le port des babouches ou sur celui de la djellaba. A ce concours Lépine de la surenchère , Geoffroy Didier, candidat à la primaire des Républicains, vient de prendre une sérieuse option pour le podium, en proposant la mise en place de « tests » pour mesurer la radicalisation. Il n’a pas précisé si ces tests prendraient la forme de questionnaires à choix multiples ou d’interrogatoires vérifiés à l’aide de détecteurs de mensonges, mais l’idée concurrence sérieusement le lance-roquette d’Henri Guaino.
La lutte contre l’islamisme radical est un sujet trop sérieux et trop grave pour le traiter avec une telle légèreté. A la différence des jeux olympiques il ne suffit pas de participer, on n’a pas le droit de perdre. Et pour vaincre, il faut une équipe professionnelle, entraînée, unie et déterminée. Y’a du boulot …