Campagne à la dérive

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Décidément, cette campagne électorale semble avoir perdu la raison et la tentation extrémiste n’épargne plus grand monde. Même Vincent Peillon, que l’on croyait à l’abri de ce drôle de climat, a fait une allusion plus que déplacée et inappropriée aux chambres à gaz en évoquant les ralliements à Emmanuel Macron. Comprenne qui pourra.

Mais la publication d’une caricature ouvertement antisémite d’Emmanuel Macron sur le compte Twitter officiel du parti « Les Républicains » montre que la boîte de Pandore est ouverte et que les pulsions extrémistes n’ont jamais été aussi fortes à la veille d’échéances électorales de cette importance. Si le parti de François Fillon a retiré ce dessin devant la bronca qu’il a légitimement suscitée, le mal est fait et les signaux faibles ont été envoyés.

Les effets de cette caricature ont été immédiats. Sur les réseaux sociaux, c’était jour de fête pour les racistes et les antisémites de tous poils qui n’ont pas manqué de sauter sur l’occasion pour déverser à la tonne leurs tombereaux d’ignominies. Sans compter ceux qui, feignant de n’avoir pas vu l’accident, trouvaient que dénoncer ce dessin ignoble consacrait le retour de la « police de la pensée », expression si chère aux négationnistes. 

Et puis les masques sont tombés, à l’image de cet élu de la Ville de Chambéry, Mustapha Hamadi, délégué auprès de l’adjoint à la sécurité, qui n’a pu réprimer ses convictions visiblement profondes en écrivant que « en France, tu as le droit de caricaturer le prophète de milliards de musulmans mais tu n’as pas le droit de caricaturer un candidat aux présidentielles soutenu par un conglomérat de lobbyistes sionistes ». Tout y est : l’accusation de deux poids deux mesures, le retour du délit de blasphème opposé au droit à la caricature et l’obsession « du Juif » pudiquement abritée derrière son anti-sionisme. Et le maire de la Ville d’expliquer que la parole de cet élu n’engageait que lui et personne d’autre. 

Et bien non, la parole de cet élu engage bien davantage que lui-même précisément parce qu’il a reçu l’onction du suffrage universel. Les élus ont une responsabilité particulière lorsqu’ils s’expriment. Ils participent à la formation de l’opinion publique. Leurs mots d’ordres ont des effets sur la société. Ils ont par voie de conséquence un devoir d’exemplarité. Si nos élus ne respectent pas avec la plus grande rigueur les valeurs de la République et de la Constitution, alors qui le fera ? 

Dans la période hystérique que nous traversons et à un moment où la classe politique est dévaluée un peu plus chaque jour, nous sommes en droit d’attendre d’eux qu’ils participent à l’apaisement du pays et à l’élévation du débat public. Ceux qui feront un jour l’histoire de cette campagne n’auront-ils à retenir uniquement du printemps 2017 qu’il fut la litanie des affaires et des dérapages en tous genres, préparant ainsi le terrain au succès de l’extrême-droite ? 

La LICRA, comme elle l’a toujours fait, refuse le fatalisme. Nous refusons en effet de revivre ce que le jeune Sébastian Haffner a éprouvé en 1932 lorsqu’il écrivait : « Vivant la même apathie que des millions d’autres individus, je laissais venir les choses. Elles vinrent ».

Lors de notre 50ème Convention qui se tiendra à Strasbourg les 24, 25 et 26 mars prochains, je rendrai publique une charte éthique républicaine qui sera soumise aux candidats à la présidence de la République et à l’Assemblée Nationale. Ce texte vise à les responsabiliser sur leur rôle, les conséquences des mots qu’ils emploient et des symboles qu’ils manient. Il est aussi une invitation à refuser de voir transformée notre démocratie en un champ de ruines et de désolation sur lequel les extrémismes identitaires ne manqueront pas de prospérer. 

Le climat de résignation qui s’est abattu sur la France n’est pas acceptable. Les Pays-Bas viennent de nous donner une leçon formidable en démentant, dans les urnes, le raz-de-marée d’extrême-droite que tout le monde annonçait. Cet exemple nous montre une fois de plus que contre les discours de haine, contre les extrémismes et les populismes, la mobilisation du peuple est le seul levier permettant de défendre, sans discussion possible, nos valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité et de laïcité. 

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1 Comment

  1. cassuto says: Répondre

    bien d’accord, il faut réagir de toute urgence, chacun à sa place, et autour de soi, si les « ondes » se propagent dans le mauvais sens, elles peuvent se propager aussi dans le bon sens

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