La France renvoie un darfouri à ses bourreaux 

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Par Alain Jakubowicz, président de la LICRA et Ilana Soskin, avocat, déléguée générale d’Urgence Darfour

Mohamed M. est né en 1998 au Darfour. Il est Zaghawa, groupe ethnique représentant 6 % de la population du Soudan actuellement la cible des persécutions d’Omar El-Béchir, président du pays.

Arrêté par les milices au ordres du gouvernement et emprisonné en 2012, victimes de persécutions et de racket, Mohamed fuit son pays fin 2016. Il prend alors un bateau depuis la Libye et gagne l’Italie puis la France à qui il demande refuge. Arrivé à Paris, il est arrêté, placé en rétention et se trouve dans l’obligation de quitter le territoire français. D’après nos informations, l’administration a refusé de faire droit à sa demande d’asile car il n’aurait pas respecté le délai administratif de cinq jours à compter de son arrivée sur notre sol pour le dépôt d’une telle requête. 

Mohamed a été expulsé le 16 mars 2017 à 9h25 vers Khartoum, la capitale du Soudan, à bord d’un vol régulier de Qatar Airlines, la seule compagnie qui semble accepter une telle besogne. Il aurait vraisemblablement été drogué en sorte qu’il n’a pas pu s’opposer à son embarquement. Renvoyé vers le Soudan par la France, Mohammed, est désormais promis à une mort certaine.

En expulsant Mohamed vers le Soudan, la France a manqué à son honneur et à sa parole. En rendant Mohamed à ses bourreaux, elle devient l’antichambre du génocide commis par la dictature soudanaise. 

Depuis le 4 mars 2009, le président Omar El-Béchir est sous le coup d’un mandat d’arrêt international émis par la Cour pénale internationale qui l’accuse de crimes de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, notamment contre les Fours, les Masalit et les Zaghawa, ethnie à laquelle appartient Mohamed. 

Ce matin, en embarquant de force ce jeune darfouri vers le pays qu’il a fui au péril de sa vie, la France a tourné le dos à une histoire multiséculaire et commis une faute dont chacun espère qu’elle ne sera pas irréparable. On ne compte plus en effet les cas d’assassinats dont sont victimes ceux qui sont contraints de retourner au Soudan. Il y a quelques mois, un compatriote de Mohamed a été torturé et tué quelques heures après son atterrissage à Khartoum par les services secrets du dictateur soudanais. 

Le Président de la République et son gouvernement viennent de prendre une décision lourde en méconnaissant gravement les engagements internationaux de notre pays. La France est signataire de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui a fourni depuis de nombreuses années une jurisprudence solide sur le fait que nous avons l’interdiction de renvoyer des individus dans un pays où ils risquent la peine de mort ou la torture. Si Mohamed ne devait pas survivre à son expulsion, ceux qui l’ont envoyé à la mort en porteront la responsabilité.

Alain Jakubowicz

Président de la LICRA

Ilana Soskin

Avocat, déléguée générale d’Urgence Darfour

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