Article paru également sur LeMonde.fr
La campagne électorale semble avoir perdu la raison. Depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, la qualité du débat démocratique est sacrifiée à l’électoralisme et à la surenchère des mots. La parole extrémiste – raciste, antisémite, xénophobe et homophobe – semble tenir le haut du pavé et attire à elle toute la lumière des médias.
Plus grave encore, les dérapages et les stigmatisations ne sont plus l’apanage de l’extrême-droite, preuve supplémentaire du fait qu’elle est en passe d’imposer au pays ses mots et ses idées bien au-delà d’elle-même. Ces dernières semaines ont malheureusement prouvé que nous étions en pleine régression des valeurs, pour ne pas dire en plein cauchemar.
Un syndicaliste policier, suivi d’un ancien avocat général, sont venus nous expliquer que « Bamboula » était un terme affectueux, le tout sans que cela ne suscite, parmi les candidats à la Présidence de la République, une émotion particulière.
Le premier parti d’opposition a publié sur son compte Twitter une caricature antisémite d’Emmanuel Macron, autorisant ainsi un de ses élus à sortir du bois, à l’image de cet élu chambérien invoquant le « deux poids, deux mesures » entre les musulmans dont on caricature le prophète et je cite « le lobby sioniste » qui serait lui intouchable. Il y a quelques jours, le candidat de la droite et du centre a même dénoncé le développement d’un « racisme antifrançais », comme si la France était une race, ce fameux pays « de race blanche » fantasmé par l’extrême-droite depuis toujours.
Dans un tout autre registre, une représentante du candidat socialiste s’est sentie obligée de qualifier l’un de ses collègues de « vieux mâle blanc libéral » pour le disqualifier tandis qu’un ancien ministre de l’éducation nationale, que l’on croyait à l’abri de la fièvre actuelle, s’est livré à une comparaison fondée sur l’existence des chambres à gaz aussi incompréhensible que déplacée. En caméra cachée, un conseiller régional du Front National a tenu des propos négationnistes tandis qu’un de ses collègues, à Fontaine, en Isère, a proposé en conseil municipal « d’arracher les dents en or des Roms » pour financer leur accueil en France.
Ca suffit ! La libération et la banalisation de la parole extrémiste doit appeler une sanction démocratique immédiate.
La LICRA propose donc aux candidats à l’Elysée mais aussi à l’Assemblée Nationale de signer une Charte Antiraciste qui repose sur deux engagement simples . Le premier est de « s’exprimer avec le souci permanent de l’éthique républicaine, de la cohésion nationale et de la paix civile, en rejetant toute forme de racisme, d’antisémitisme, de xénophobie et d’homophobie ». Le second, lié au premier, est de « combattre et faire battre, dans les urnes, tous ceux qui auront eu une expression publique de cette nature lors de la campagne électorale ».
Les noms de signataires et des non-signataires de cette Charte seront rendus publics et pourront être consultés par tout électeur sur le site www.pourlarepublique.fr/lacharte. Chacun saura alors si le candidat pour lequel il souhaite voter est, ou non, un antiraciste déclaré. C’est aujourd’hui le seul critère qui doit nous permettre de balayer la confusion, le mensonge, la démagogie et la haine. Alain Jakubowicz Président de la LICRA