Cette élection présidentielle est une élection introuvable. A trois jours du scrutin, personne ne peut dire avec certitude que le pire n’adviendra pas. Notre démocratie est plus que jamais à la merci d’une bourrasque qui peut tout emporter avec elle. Dimanche, la responsabilité de chacun est engagée : s’abstenir, ce serait jouer à la roulette russe et prendre un risque inconsidéré pour la République, pour la France et pour l’Europe.
Voter, c’est résister.
Voter, c’est résister à cette vieille tentation munichoise qui consiste à abdiquer, marche après marche, nos valeurs et nos idéaux à l’avancée irrésistible de ceux qui veulent les anéantir. Le Front National progresse à chaque élection, invariablement, depuis de nombreuses années. Il n’a jamais eu autant d’élus dans nos villes, nos départements, nos régions. Son ancrage dans le pays n’a jamais été aussi fort. Pourtant, nous nous sommes accoutumés à sa présence. Il est parvenu à rendre acceptable au plus grand nombre ce qui ne devrait pas l’être. L’extrême-droite se nourrit de nos absences. Dimanche, nous avons la possibilité de reprendre la main, de mettre un coup d’arrêt aux prétentions de l’extrême-droite sur la France et de montrer que sa présence au second tour n’est pas une fatalité. Nous avons le pouvoir de dire que le pays réel n’est pas celui décrit par les sondages depuis plus d’une année.
Voter, c’est aussi résister à la tentation du pire qui voudrait qu’un succès du vote extrémiste serait une sorte de mal nécessaire, une soupape permettant d’évacuer les tensions du pays. Beaucoup de nos compatriotes sont en effet intéressés à l’idée de renverser la table, de choisir le pire en espérant que la crise suscitée par une telle situation permettrait de repartir à zéro. L’Histoire a pourtant montré que rien de bon ne pouvait naître d’une telle stratégie qui reviendrait à confier une boîte d’allumettes à une légion de pyromanes.
Voter, c’est résister aux populismes et aux aventuriers de tous poils qui sont prêts, à l’extrême-droite comme à l’extrême-gauche, à flatter des régimes autoritaires, à tresser des lauriers aux pires dictateurs ou à mettre la même ardeur à condamner les frappes contre le régime syrien que les atrocités qu’il commet.
Voter, c’est résister au syndrome des enfants gâtés que nous sommes devenus. Il y a bien des raisons d’être insatisfait de notre classe politique, de la manière qu’elle a de présider à nos destinées, du manque de courage qui, à droite comme à gauche, a refusé de voir la réalité de notre pays en face. Nos compatriotes ont perdu le goût de la République et nombreux sont ceux qui, déçus par notre système politique, s’en sont détournés, personne ne trouvant grâce à leurs yeux. Pourtant, dans l’hypothèse d’un succès de l’extrême-droite, chacun mesurera assez vite le luxe dont nous disposons aujourd’hui. Il suffit de voir ce que fait et propose le FN là où il est élu pour comprendre qu’il remettra en cause des acquis que nous avions crus établis pour toujours. On reconnaîtra alors nos valeurs au bruit qu’elles feront en partant.
Voter, c’est enfin résister à l’assignation identitaire qui voudrait que nous soyons étiquetés à raison de nos origines ou de notre religion et que notre vote serait indexé à cette identité. Voir ressurgir à chaque élection l’invocation dominicale des « racines chrétiennes de la France » ne sert, chacun l’aura compris, qu’à mieux désigner, en creux ceux qui ont d’autres racines. Voir l’Union des organisations islamiques de France, qui malgré son changement de nom demeure toujours le refuge des intégristes et des Frères Musulmans, et le CCIF faire valoir le poids électoral des musulmans en tant que tels est profondément anti-républicain autant que peut l’être l’électoralisme de l’extrême-gauche qui prétend récupérer ce prétendu « vote musulman ». Considérer que l’appartenance à la communauté prime sur celle à la nation, c’est régresser de plus de deux siècle et sacrifier les Lumières et l’universalisme.
Dimanche, la République nous appelle.