26 mai 1987 : Barbie face à ses victimes

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26 mai 1987. Les télévisions sont de retour. La tension est à son comble. On espère trouver Klaus Barbie dans son box. Pourtant, à la sommation quotidienne qui lui a été délivrée, il a à nouveau répondu par la négative : il refuse de comparaître. Nous savons cependant qu’il a été extrait de la prison Saint Joseph et qu’il est à la disposition de la Cour dans les locaux du Palais de Justice. L’audience commence sans lui. Comme la veille, les témoins ont été arrêtés et torturés par Klaus Barbie.

 

Fortunée Lanfranchi, Robert Clor qui a vu Klaus Barbie violer une jeune femme avec un nerf de bœuf, Vincent Planque pour qui « quiconque a vu une fois le regard de Barbie ne peut l’oublier » et Raymonde Guyon veuve Bellot. Médecin à la retraite, elle a été résistante et a participé à la fin de l’année 1941 à la création de Témoignage Chrétien. Quand Klaus Barbie lui a annoncé qu’il allait faire fusiller son mari qui ne voulait pas parler, elle a ri en lui répondant : « pourquoi, nous ne sommes ni juifs ni terroristes ni communistes ». Ce à quoi il a répliqué : « vous êtes pire, car avec vos écrits, vous avez armé les terroristes. » Son mari a été fusillé après avoir été torturé, elle sera déportée. Elle parle de la déportation, du manque d’hygiène, surtout pour les femmes, de la déshumanisation. Elle ne cache aucun détail. Elle explique à la Cour et au public nombreux qui se trouve dans la salle d’audience, que jusqu’alors les anciens déportés avaient honte de dire ce qu’ils avaient vécu dans les camps. Après avoir échangé avec des amis, elle a décidé de parler aujourd’hui. Elle évoque dans le silence, le bruit sourd des corps que l’on jette sur le ballaste depuis le train.

 

18H45. Arrive le moment tant attendu. Klaus Barbie est conduit « de force » à l’audience. Qu’on se rassure, il n’a pas été traîné par les pieds, ni violenté par les policiers qui l’encadrent. C’est un Barbie souriant et décontracté qui revient devant ses Juges. Le Président Cerdini demande à Lucien Margaine de s’approcher. Il lui rappelle son témoignage de la veille et lui demande ce qu’évoque pour lui le visage de l’accusé. Un sourire flotte sur les lèvres de Klaus Barbie. « Je le reconnais tout à fait formellement » déclare Lucien Margaine. Regardez comme il regarde, regardez ce rictus qui est spécial, c’est pas une tête courante. »

 

Le Président interroge à présent Klaus Barbie qui refuse de répondre, prétendant avoir été amené devant la Cour de façon illégale. Le Président ne cache pas son agacement devant un accusé qui n’avait jusqu’alors manifesté que courtoisie et déférence à l’égard de ses juges. Après Lucien Margaine, Mario Blardonne reconnaît à son tour formellement Klaus Barbie. « Je veux le regarder dans les yeux, ces yeux glacials, cette bouche, voyez il a fermé les yeux, sa lâcheté on la voit. » Comme Robert Clor confirme : « oui, c’est lui, il a toujours le même air faux-jeton. » Vincent Planque : « en mon âme et conscience je le reconnais sans le moindre doute ». Raymonde Bellot : « Je suis transportée quarante-trois ans en arrière. C’est lui qui m’a interrogée, m’a promis de faire fusiller mon mari et m’a fait déporter. »

 

Toutes les tentatives du Procureur Général Truche de faire parler Klaus Barbie demeureront vaines. 23 minutes après être entré dans la salle d’audience, il en repart sans avoir rien dit. « Le nazi n’aime pas la lumière » tranche le Procureur Général. « Qu’il retourne à l’ombre » ai-je envie d’ajouter. Alors qu’il s’en est allé, chacun ne peut que constater que sa seule présence a failli faire déraper le procès. Il faut se rendre à l’évidence : lorsqu’il est là, l’atmosphère n’est pas la même. On a même entendu pour la première fois des applaudissements pour saluer les propos de certains témoins.

Il est temps de redonner dignité et sérénité aux débats. Ce sera chose faite dès demain, avec l’évocation de la tragédie des enfants d’Izieu.

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