Le 15 septembre dernier, le leader du parti allemand Alternative für Deutschland (AFD), Alexander Gauland, faisait l’exaltation de l’armée allemande durant la Seconde guerre mondiale, se disant « particulièrement fier des performances » des troupes hitlériennes.
Le 24 septembre, son parti est devenu la troisième force politique d’Allemagne, obtenant plus de 13% des suffrages exprimés, près de 6 millions de voix et par voie de conséquence 94 députés au Bundestag. C’est la fin d’une exception politique qui avait permis à l’Allemagne échapper, jusqu’à hier soir, à l’extrémisme de masse.
L’AFD a deux visages. Celui d’un parti populiste conservateur euro sceptique, anti-Euro, « anti-establishment », « ni de droite, ni de gauche », profitant des blessures identitaires du peuple allemand pour lui vendre un programme à la Trump et dont le slogan aurait pu être « Make Deutschland Great Again ». Ce visage là a séduit une partie de l’électorat de droite, notamment dans les rangs de la CSU et de la CDU. Il suffit de voir la sociologie des meetings de l’AFD en Bavière pour comprendre les passerelles qui ont été établies avec l’électorat conservateur. Et puis il y a l’autre visage, celui d’un parti violemment xénophobe, anti-migrants qui prospère sur la crise des réfugiés et les options très courageuses prises par le gouvernement d’Angela Merkel. Dans une enquête publiée hier soir, le Huffington Post a fait tomber le masque, nous décrivant la porosité qui existe entre l’AFD et les groupuscules identitaires ostensiblement néo-nazis, négationnistes et radicaux.
Le vrai danger de l’AFD est là : dans sa capacité à fédérer, des néo-nazis aux conservateurs. Le parti d’Angela Merkel, réélue hier soir à la tête de l’Allemagne, a désormais une responsabilité historique. Celle d’empêcher que ne se constitue, à sa droite, une force politique portée par l’extrémisme et agrégeant les mécontents venus de toutes parts. L’AFD, grimé en parti nationaliste et eurosceptique, est le faux nez d’une tradition politique que l’on avait cru, Outre-Rhin, disparue dans les ruines du Führerbunker le 30 avril 1945. Il serait idiot de crier au retour d’Adolf Hitler. Mais il serait tout aussi idiot de fermer les yeux en refusant de regarder la réalité en face. La mécanique des extrémismes identitaires obéit à une règle immuable : celle des « Marches » qu’elle franchit, les unes après les autres, pour atteindre ses objectifs. Hier soir, une marche supplémentaire a été franchie en Allemagne et nous invite à la lucidité : tout ne se règle pas en traitant les problèmes économiques. La prospérité de l’Allemagne, avec 3,9% de chômage, vient contredire les tenants de cette thèse. Comme en Hongrie ou en Autriche, la situation économique n’explique pas le retour des idéologies extrémistes.
L’insécurité culturelle et l’angoisse identitaire conduit des millions de citoyens à se jeter dans les bras de formations politiques xénophobes, racistes et antisémites. Il faudra bien songer à leur apporter une réponse politique démocratique et universaliste, faute de quoi nous nous préparons, collectivement, des lendemains douloureux.