Ni LICA, ni LICR…

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Il nous est fréquemment demandé pour quelle raison nous conservons le A d’antisémitisme dans notre acronyme. L’antisémitisme ne serait-il pas qu’une forme de racisme ? Les réponses sont multiples. L’une d’elles, et non des moindres, tient à notre histoire. La Licra est née en 1927 pour assister les juifs victimes des pogroms en Europe de l’Est. Son premier nom fut d’ailleurs « Ligue contre les pogroms », avant de devenir « Ligue internationale contre l’antisémitisme ». L’antisémitisme était le cancer de l’époque. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, on croyait en avoir fini avec l’antisémitisme. On n’en avait pas pour autant fini avec la bêtise humaine. Les guerres coloniales et l’arrivée de nouveaux immigrés et réfugiés ont apporté de nouveaux boucs émissaires. Les cadres de la Lica ont vite compris que le même mal produisait les mêmes effets, et que seules les victimes avaient changé. C’est ainsi que le R de racisme s’est imposé comme une évidence, et que la Lica est devenue Licra. Nos anciens n’ont pas souhaité pour autant supprimer le A de notre acronyme. Bien leur en a pris. Les années passant et les enseignements du passé s’estompant, l’antisémitisme est réapparu avec la montée du Front national et l’apparition du négationnisme, l’importation du conflit israélo-palestinien et le « faux nez » de l’antisionisme, puis l’activisme de l’islamisme radical.

Qu’y a-t-il de commun entre la manifestation « Jour de colère » de l’extrême droite, en janvier dernier, et certaines manifestations pro-palestiniennes de l’extrême gauche du mois de juillet ? Les cris de « Mort aux juifs ». D’aucuns ont parlé de l’émergence d’un nouvel antisémitisme. Il est plus juste de parler de l’émergence de nouveaux antisémites, tant il est vrai que les poncifs et la « littérature » utilisés par les uns et par les autres sont furieusement les mêmes. Le « Rapport sur la lutte contre le racisme et l’antisémitisme », rédigé en 2004 par Jean-Christophe Rufin, notait l’augmentation de la responsabilité d’« une frange de la jeunesse issue de l’immigration » dans les violences antisémites. Dix ans plus tard, une étude de la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) confirme que les préjugés antisémites sont plus marqués chez les sympathisants FN… et les musulmans. Foin de généralisations, mais il serait absurde et irresponsable de ne pas voir la réalité du mal et de ne pas le combattre avec la même détermination, quels qu’en soient les auteurs. L’antisémitisme n’est pas plus acceptable et pas moins dangereux quand il est le fait de ceux qui sont eux-mêmes victimes de racisme. Cela peut contribuer à expliquer le phénomène, pas à le justifier. Faut-il pour autant, pour la Licra, renoncer à son R et revenir à la Lica, comme certains l’y invitent ? Que nenni ! Bien au contraire ! Comme il n’est pas question pour la Licra d’abandonner son A pour devenir une quelconque Licr vidée de son sens et de son histoire. La force et la raison d’être de la Licra sont dans la dualité et la complémentarité du R et du A qui, loin de s’opposer, lui permettent une réflexion et une action globale contre l’un et l’autre, sans autre priorité ni hiérarchie que celles des cas qui lui sont soumis. J’invite ceux qui en doutent à venir travailler à nos côtés. Nous pensons, à la Licra, que la lutte contre l’antisémitisme ne peut et ne doit pas être l’affaire des juifs, comme la lutte contre le racisme ne peut et ne doit pas être celle des communautés qui en sont victimes.

Nous pensons, à la Licra, que l’antisémitisme qui gangrène « une frange de la jeunesse issue de l’immigration » n’est pas une fatalité et qu’il est possible de le combattre. Toutes les actions que nous avons menées, avec d’autres, nous ont permis de vérifier qu’il n’y a pas en ce domaine de fatalité. Le défi est de généraliser ces actions dans un large « plan Marshall » doté de moyens financiers et humains, à l’instar de ce que vient de faire l’Allemagne. C’est le sens du Grenelle de la Fraternité auquel nous appelons. Comme le soulignait Jean- Christophe Rufin en conclusion de son rapport, « le dispositif de lutte contre le racisme et l’antisémitisme ne vise pas seulement à défendre telle ou telle catégorie de la population, encore moins à la favoriser par rapport aux autres. Il vise à défendre le système politique démocratique, seul capable de protéger également tous les citoyens ».

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