Pour un grenelle de la fraternité

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Nous n’avions pas besoin des statistiques pour le savoir. Les chiffres n’en font pas moins froid dans le dos. Les actes antisémites ont augmenté de 91 % au cours des sept premiers mois de l’année. Ces actes ne sont pas seulement plus nombreux, ils sont aussi plus violents. Le problème avec les chiffres, c’est qu’ils sont froids, désincarnés, déshumanisés. Plus ils sont élevés, plus ils éloignent de la réalité de ceux dont ils sont censés parler. Derrière les 527 actes de violence antisémite recensés entre le 1er janvier et le 31 juillet 2014, il y a 527 noms, 527 visages, 527 lieux, 527 histoires, 527 humiliations, 527 souffrances.

Les victimes n’ont en commun que ce qui les désigne – le fait d’être juives ou présumées telles. Si les statistiques sont impuissantes à traiter les conséquences, elles aident à analyser les causes. Ainsi confirment-elles la flambée des actes antisémites en janvier, au moment de l’affaire Dieudonné M’Bala et de la manifestation « Jour de colère », puis en juillet, dans la foulée des manifestations pro-Gaza. Le lien entre les paroles et les actes, que nous dénonçons depuis des années, est ici clairement établi, et avec lui la responsabilité de ceux qui distillent la haine. Il n’est pas surprenant que les violentes diatribes antisémites d’un ex-comique adulé dans les quartiers, d’un idéologue national- socialiste manifestement « dérangé » et d’une poignée d’activistes islamistes fondamentalistes suscitent des « vocations »… Si les auteurs des faits qui se sont produits cet été doivent être poursuivis, jugés et condamnés, ceux qui les excitent et les incitent doivent être mis hors d’état de nuire. Les pires criminels ne sont pas toujours ceux qui se salissent les mains…

Au-delà de ces constats, les événements de ces derniers mois nous livrent quelques enseignements. 1) Ils confirment en premier lieu la « sainte alliance » de l’extrême droite et de l’extrême gauche quand il s’agit de taper sur les juifs. Des « Juif, la France n’est pas à toi » de la manifestation « Jour de colère », aux « Mort aux juifs » des manifestations parisiennes contre Israël, c’est du même antisémitisme qu’il s’agit. Et ce sont bien souvent les mêmes manifestants. 2) Nous avons, il faut en convenir, largement sous-estimé la pénétration du discours antisémite dans ce qu’il est convenu d’appeler « les quartiers ». Si les événements de Gaza en constituent le prétexte, le mal est incontestablement plus profond. Force est de constater que c’est toute l’idéologie de l’extrême droite antisémite la plus virulente qui est aujourd’hui distillée auprès d’une jeunesse désoeuvrée, à qui on désigne les juifs comme les responsables des malheurs du monde. 3) Si les événements qui se sont produits sont d’une gravité sans égale, on ne peut, comme certains l’ont fait, les compa – rer à la nuit de Cristal ou parler de pogroms. On ne peut pas non plus en conclure que la France est antisémite. Même si on peut regretter l’absence de réaction de la société française dans son ensemble, la condamnation a été unanime et ferme, tant de la part des médias que de la classe politique et du gouvernement. 4) Face à cette situation, chacun doit prendre ses responsabilités. Et la première responsabilité est d’établir clairement d’où vient le mal, pour le combattre sans concession. Il ne s’agit pas de jeter l’anathème sur telle ou telle communauté, mais d’analyser pourquoi et comment nous en sommes arrivés là. Cela sera long et difficile, mais notre pays ne manque ni de compétences, ni de bonnes volontés. J’appelle pour cela à un « Grenelle de la Fraternité », réunissant les acteurs politiques, sociaux et associatifs. C’est de l’avenir de la France dont il s’agit.

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