Chassez l’extrémisme, le populisme revient au galop !

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A lire et écouter les médias, l’extrême-droite a disparu, comme la lettre « e » dans le célèbre roman de Georges Perec. Un « grand remplacement » est à l’œuvre dans la langue française :  Les termes « patriote », « national », « eurosceptique », « souverainiste », « identitaire » se sont substitués peu à peu à celui d’extrémisme, qui est désormais réservé aux cas pathologiques qui pleurent encore la mort d’Hitler. La terminologie politique a rendu les armes et désormais englobe sous le vocable « populiste » tout ce qui était jadis qualifié (à tort ou à raison) de « facho ». L’extrême-droite s’est policée et s’emploie à décoller les unes après les autres les étiquettes qui jusque-là offraient d’elle, à juste titre, une image rédhibitoire pour le plus grand nombre.

Le populisme n’est pas nouveau et le fait de flatter le peuple dans le sens de ses mauvais penchants est vieux comme le monde.  Il s’est développé à l’extrême-droite comme à l’extrême-gauche avec les mêmes travers. Comme toujours en période de crise, il porte la marque d’une certaine forme de modernité politique, très tendance, providentielle même, et hors de laquelle il n’y aurait que des astres morts usés et impuissants. Les succès de Podemos en Espagne ou de Syriza en Grèce illustrent une partie de ce phénomène.

Ce qui est nouveau, c’est la dilution de l’extrême-droite dans un bain populiste qui sert sa quête de respectabilité. Le marketing est à l’oeuvre pour la rendre sympathique, clown comme Beppe Grillo en Italie, « tartignole » comme Nigel Farage en Grande-Bretagne, irrédentiste comme Hofer en Autriche, décomplexée comme Marine Le Pen et grande gueule comme Ménard en France.

Le populisme offre à l’extrême-droite la possibilité de recoller à la vie réelle et surtout de ne pas parler idéologie pour éviter de dégoûter l’électeur. On n’attire pas les mouches avec du vinaigre. Alors il fait dans le concret, dans le prétendu « bon sens ». Il se nourrit des angoisses quotidiennes du « pays réel » et de la peur du déclassement. Les poubelles ne sont plus ramassées à Rome ? Virginia Raggi, la nouvelle maire issue du Mouvement Cinq Etoiles, mobilisera l’armée s’il le faut pour faire place nette. Les paradis fiscaux prolifèrent ? Nigel Farage du UKIP baissera les impôts et supprimera du même coup l’envie de frauder. Les Américains ne sont pas en sécurité ? Donald Trump les armera. Les chiens défèquent à qui mieux mieux dans les rues de Béziers ? Ménard les confondra à coup de tests ADN. Le populisme est binaire, pavlovien, idiot et prévisible. Mais hélas terriblement efficace sur le plan électoral.

Pourtant, l’extrême-droite a beau dépenser beaucoup en chirurgie esthétique, on voit les coutures. Pas facile de dissimuler sa nature. En Autriche, il a fallu beaucoup de talent à Norbert Hofer pour faire oublier les racines néonazies de son parti et les amitiés devenues gênantes qu’il a dû congédier, en apparence au moins. En Italie, Beppe Grillo ne parvient pas à contenir son antisémitisme et son rejet de tout ce qui n’est pas « italien ». En Grande-Bretagne, Nigel Farage, lors des dernières élections au Parlement, a fait campagne sur l’abrogation des lois antiracistes qui selon lui, entravent le développement du pays. Rien de moins. Et les affiches de UKIP, diffusées à l’occasion du référendum sur le Brexit et montrant des hordes de réfugiés à l’assaut de la perfide Albion, n’ont rien à envier à la propagande fasciste des années 30.

En France, Marine Le Pen est sans doute la plus aboutie dans sa mue populiste. Elle revendiquerait presque cette appellation qui témoigne de la « dédiabolisation » qu’elle appelle de ses voeux. La sémantique antisystème est devenue son seul credo et a pris la place des dérapages paternels pour lesquelles elle n’a eu qu’une aversion tardive et modérée : le peuple contre les élites, le petit contre le gros, le fiscalisme, l’européisme, l’immigrationnisme, le système médiatique, le protectionnisme et cette maudite mondialisation qui accable les peuples. Le contexte des attentats l’aide en outre à transformer la tradition xénophobe du Front National en charge exclusivement dirigée contre l’islam. Si le problème posé par l’islam radical doit être affronté avec une lucidité et une fermeté implacables, il ne légitime pas l’islamo-paranoïa obsessionnelle de l’extrême-droite qui ne sert qu’à alimenter son business de la peur. Les succès de l’extrémisme doivent d’ailleurs beaucoup au silence des républicains qui ne peuvent plus lui laisser le monopole de l’expression sur ce sujet.

Si Marine Le Pen n’a rien renié de l’héritage légué par papa et de ses années passées à le seconder, à l’applaudir et à l’encourager, elle s’efforce de tenir plusieurs fronts dont les antagonismes sont connus. Sa nièce est sur une ligne dure et persiste à envoyer des signaux au socle des fidèles historiques et intégristes. Florian Philippot, lui, vise la conquête d’un nouvel électorat, n’hésitant pas à convoquer le gaullisme ou, comme ses « camarades » de Sciences Po Paris, à mettre Mendès France, Blum et Jean Moulin au service de son élargissement. Gilbert Collard joue quant à lui l’idiot utile et campe la figure du novice subjugué par la vague et touché par la grâce mariniste. Robert Ménard, de son côté, ravive chaque matin la flamme identitaire et « oz » imaginer qu’il ira au-delà de son échappée méridionale. Le ciment « populiste » permet à Marine Le Pen d’unifier cette cour des miracles. A l’aune des échéances de 2017, tous regardent dans la même direction : la conquête du pouvoir.

En enfilant les habits du populisme, l’extrême-droite parvient à séduire bien au-delà de son camp de base. Le siphon électoral est en place pour abolir le clivage droite-gauche et faire circuler l’électorat, d’où qu’il vienne, dans sa direction. La crise est pour elle un produit dopant qui, conjuguée au rejet des forces politiques de gouvernement, confine au pot belge, du nom de ce cocktail « explosif » jadis en vogue chez les cyclistes. Avant les échéances de 2017, il est plus que temps de se souvenir de cet aphorisme du général de Gaulle qui en dit long sur la menace qui nous guette : « le pouvoir ne se prend pas, il se ramasse ».

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1 Comment

  1. Voilà un article clair qui remet le vocabulaire en bonne place. Merci, je partage!

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