Depuis 18 ans, la LICRA s’appuie sur le sport pour promouvoir la citoyenneté et les valeurs de la République. Elle met en place des programmes de sensibilisation auprès des jeunes et développe des formations pour les éducateurs et responsables des structures. Elle le fait en étroite relation avec l’Etat, les fédérations et le mouvement sportif.
Le sport face au repli identitaire
Des phénomènes étrangers à l’éthique sportive et à ses valeurs se développent, comme l’a soulevé il y a un an une note des renseignements généraux qui avait fait beaucoup de bruit : recrutements exclusivement menés au sein d’une communauté particulière, prosélytisme religieux, refus de la mixité, soudaine apparition de tenues traditionnelles et de prières sur le terrain ou dans les vestiaires. Assurément, le sport est devenu le terrain de jeu privilégié de ceux qui veulent tester la solidité de nos règles communes et affaiblir notre pacte républicain.
En second lieu, on observe depuis quelques années des phénomènes d’entrisme, de prosélytisme liés à l’islam radical dans certains clubs. Le sport, il faut le dire, est un enjeu de d’embrigadement pouvant conduire à des phénomènes d’enfermement identitaire et de radicalisation.
Nous sommes face à un défi considérable. Alors que le sport est un lieu de dépassement de soi, d’émancipation, de mixité sociale, ethnique, culturelle, géographique, certains tentent de l’utiliser à des fins d’encadrement social par une religion ou de vivier de recrutement pour des extrémistes religieux.
Ces phénomènes ne sont pas massifs et ce serait mentir que de les présenter comme tels. Mais ils doivent nous alerter sur la nécessité de ne pas céder une once de terrain, par angélisme, par indifférence, à ce qui se passe dans nos stades.
Evidemment, il y a toujours eu, notamment dans le football, mais pas seulement, des clubs dits « communautaires » dans notre pays. Avec les vagues d’immigration qui ont enrichi notre pays, la nécessité d’un entre-soi a été naturelle et la constitution de clubs d’italiens, d’espagnols, de portugais, de kabyles, de turcs, de tunisiens, d’algériens, de sénégalais a toujours existé.
Ces clubs ont longtemps reposé sur des affinités culturelles, géographies, sociales bien compréhensibles et souvent liées à la fierté des origines qui trouve d’ailleurs naturellement sa place dans le cadre de compétitions sportives. Et cela n’est absolument pas un problème en soi. Notre pays est fait de communautés, c’est une réalité indéniable. C’est un fait qui n’entrave en rien l’idée qu’il existe par ailleurs et en premier lieu une communauté nationale dont les lois s’imposent à tous de la même manière.
Du communautaire au communautarisme
En revanche, une ligne est franchie quand certains de ces clubs sont passés du communautaire au communautarisme, de l’identité à l’identitaire. Un glissement dangereux intervient quand la pratique sportive devient moins importante, finalement, que le fait de se réunir entre semblables, quand le repos du sportif à la mi-temps se transforme en temps de prière obligatoire. La limite est atteinte quand le club sportif devient un instrument tourné vers le prosélytisme religieux, la compétition devenant un simple prétexte.
Cette logique d’enfermement a des effets que nous connaissons bien à la LICRA et qui portent atteinte à notre cohésion sociale. Le repli identitaire est, nous le savons bien, l’antichambre du rejet de l’autre, du racisme et de l’antisémitisme, du sexisme ou encore de l’homophobie.
Notre défi, ici et maintenant, est de trouver des solutions pour que le sport demeure un espace laïque, un espace de diversité, un espace de mixité entre les hommes et les femmes. Nous ne pouvons pas nous résoudre, par exemple, à ce que la religion constitue, pour les jeunes filles, un frein à la pratique sportive.
Le sport, un espace de liberté, d’émancipation et de laïcité
Il est urgent de veiller à ce que nos stades, nos gymnases et nos piscines ne deviennent pas les nouveaux territoires perdus de la République. Il n’est pas acceptable que dans notre pays, qui proclame la laïcité comme valeur fondatrice de son contrat social, nos terrains de sports se transforment peu à peu, fût-ce à la marge, en lieux de cultes. Pour paraphraser une phrase de Victor Hugo, je résumerai mon propos d’un seul tenant : la religion chez elle, le sport chez lui.
La pratique sportive, dans la vie des jeunes notamment, est aussi importante que l’école pour l’apprentissage du vivre ensemble, du respect des règles communes mais aussi pour l’intégration des populations issues de l’immigration. Comme l’école, le sport est un creuset où se forge la conscience des citoyens.
Des propositions concrètes
Les enjeux sont immenses. La LICRA est déterminée à prendre sa part dans ce combat en mettant autour de la table les représentants de l’Etat et des collectivités, ceux des instances sportives, ceux des associations pour construire les outils, les pratiques, les programmes destinés à faire vivre la République par le sport.
A la LICRA, nous sommes convaincus, depuis toujours, que l’intégration par le sport est une chance qui offre à chacun la capacité d’entrer dans la communauté nationale, notamment pour des individus qui pour des raisons sociales, sociologiques, historiques, politiques se sentent en dehors de la République. Nous devons veiller à ce que le sport conserve ce potentiel d’intégration.
A la LICRA, nous sommes convaincus qu’il est nécessaire de prendre en compte dans les statuts et les règlements des fédérations, de leurs organes déconcentrés ou, le cas échéant, de leur ligue professionnelle les qualifications d’actes et paroles racistes, de discriminations, d’atteinte au principe de laïcité.
A la LICRA, nous sommes convaincus aussi qu’il faut accompagner les fédérations dans la sanction de ces dérives, notamment en favorisant l’accès de représentants des associations qui combattent les discriminations devant les commissions disciplinaires des Fédérations sportives à titre consultatif.
Le sport est un vecteur de socialisation. Il doit le rester et échapper aux détournements et aux instrumentalisations visant à en faire un outil communautariste, identitaire, en prélude à des formes de radicalisation dont chacun connaît les dangers et les dérives racistes et antisémites.
très bon résumé de ce problème.
à signaler aussi: les individus qui font des gestes de prière quand ils entrent sur la pelouse d’un stade ou quand ils marquent un but. comme si une quelconque puissance divine, intervient pour taper dans un ballon!