Dans la nuit du 8 au 9 mai 1990, 34 sépultures du cimetière juif de Carpentras ont été profanées. Le corps d’un octogénaire inhumé quelques jours auparavant a été déterré et exhibé à la vue des visiteurs dans un simulacre d’empalement.
Le 11 mai, l’affaire fait la une de tous les journaux et soulève le coeur de tout le pays.
Le 14 mai, pour la première fois, un président de la République – François Mitterrand – prend part à une manifestation, qui réunit 200 000 personnes, place de la Nation à Paris. Des manifestations de même ampleur sont organisées dans toutes les grandes villes de France.
En 1996, au terme d’une longue enquête, les auteurs de ces faits abjects seront identifiés. Contrairement aux cris d’orfraie de l’extrême droite hurlant (déjà) au complot, avec l’aide (déjà) de Gilbert Collard, alors avocat, exhibant devant la presse une enveloppe sensée contenir leurs noms, ces auteurs étaient bien issus des mouvances skinhead et néonazies et leur mobile était bien antisémite. Ils seront jugés quelques mois plus tard par le Tribunal Correctionnel de Marseille au cours d’un procès exemplaire, auquel je participais en qualité de partie civile. Jugés coupables ils ont été condamnés au maximum de la peine alors prévue par la loi.
En 1990, en dehors de l’extrême-droite, la condamnation de cet acte antisémite avait fait un large consensus dans le pays. L’indignation était unanime. Et pourtant, la malheureuse victime était déjà morte. Quelques années plus tard, l’assassinat d’Ilan Halimi puis la froide exécution de jeunes enfants à l’école juive Ozar Athora de Toulouse, ont été loin de susciter la même vague d’indignation dans le pays.
Comme si on s’était accoutumé à la banalisation de la haine. Il est vrai que l’extrême-droite n’a plus le monopole de l’antisémitisme. Celui-ci serait-t-il moins odieux quand il est le fait de jeunes assassins se revendiquant de l’islamisme politique ? La question, qu’on le veuille ou pas, mérite d’être posée.