Pendant que l’information vit au rythme des buzz et des hashtags, un procès historique et sous tension se tient actuellement devant la Cour d’Assises spéciale de Paris. Celui d’Abdelkader Merah et de Fettah Malki, accusés d’avoir été les complices de Mohamed Merah, l’assassin terroriste islamiste de Toulouse et de Montauban. Chaque jour, à la barre, nous sommes éclairés un peu plus sur les conditions dans lesquelles de tels crimes racistes et antisémites ont pu advenir.
Tout d’abord, c’est le contexte familial qui frappe les esprits. Tout – ou presque – dans cette famille semblait avoir fait naufrage. Tout repère semblait avoir disparu, en dehors d’un seul : l’antisémitisme. Abdelghani Merah, le seul à avoir pu s’échapper de cet enfer islamiste, raconte fort bien comment, du ressentiment et de la haine, Mohamed Merah, est passé à l’acte. Comment l’islamisme est devenu le mode de vie des Merah, à l’instar de la soeur Souad ou de leurs proches comme le prédicateur Olivier Corel, devenu le directeur de conscience de Mohamed Merah. Comment les juifs étaient devenus la source de tous les maux, à l’image d’Abdelkader Merah, aujourd’hui sur le banc des accusés et qui se faisait appeler « Ben Laden », poignardant son frère Abdelghani à sept reprises en raison des origines juives de sa compagne.
Surtout, ce procès est celui qui permet d’éclairer les responsabilités et de déterminer si les forces de l’ordre étaient, ou non, en situation d’empêcher les crimes de Toulouse et de Montauban. Cette vérité là, aussi, est due aux familles et aux proches des victimes. Le témoignage de l’ancien responsable du renseignement intérieur toulousain est édifiant. Lors de l’audience du 16 octobre, il a expliqué qu’il avait été envisagé de recruter Mohamed Merah un mois avant qu’il ne commette ses crimes. Dans une note interne, les services de renseignement le décrivaient ainsi : « son caractère dangereux n’est pas paru évident. Il leur a semblé naturel et ils ont jugé que l’on pouvait s’orienter, compte tenu de son esprit curieux et voyageur, vers un recrutement ». Le 21 février 2012, quelques jours seulement avant les attentats, une autre note précise : « Mohamed Merah a un esprit ouvert, malin. Il n’entretient aucune relation avec un réseau terroriste, il a un profil voyageur ». En désaccord avec cette analyse, le patron du renseignement toulousain met un coup d’arrêt à cette initiative, considérant le risque trop élevé.
Le 15 mars 2012, après l’assassinat de deux militaires à Montauban, il alerte sa hiérarchie pour lui dire sa conviction qu’il s’agit d’un acte jihadiste. Il donne les noms de douze suspects potentiels, dont celui de Mohamed Merah. Il n’est malheureusement pas écouté. Il faudra attendre les quatre assassinats de l’école juive de Toulouse, quatre jours plus tard, pour que la piste salafiste soit prise au sérieux.
Si ces faits sont avérés, ils constituent une véritable affaire d’Etat.
Notre pays, y compris au plus au niveau, a mis trop de temps à voir dans le salafisme une menace terroriste. Cette absence de prise de conscience a conduit nos services de renseignements à envisager de recruter un homme dont il n’avaient pas vu qu’il était au bord du passage à l’acte. En dépit des alertes transmises à la hiérarchie par le responsable du renseignement toulousain, rien n’a été fait pour explorer la piste Merah. Comment expliquer aux familles des victimes de l’école juive d’Ozar Hatorah que leur fils, leur fille, leur mari seraient peut-être encore en vie si Merah avait été interpellé pour vérification, quelques jours avant la tuerie ? A cette question, il faudra apporter une réponse et établir les responsabilités. La semaine dernière, le Ministre de l’Intérieur a limogé toute une chaîne de commandement en raison du dysfonctionnement ayant conduit à la libération de celui qui allait devenir le terroriste de Marseille. Dans l’affaire Merah, il faudra bien, aussi, que le mot responsabilité ait un sens.